La descente aux enfers d’Unai Emery

Comment expliquer la situation dans laquelle se trouve l’Arsenal d’Unai Emery, 18 mois après sa nomination ? La situation critique d’Arsenal n’est pas le fait d’un seul homme, mais il est certain qu’Emery a une grande part de responsabilité dans ce foutoir sans nom. Décryptage de cet enchaînement de faits et de choix qui ont conduit à la situation actuelle des Gunners, depuis l’arrivée du Basque.

*Et pour compléter cet article, n’hésitez pas à aller écouter notre podcast sur Unai Emery (en cliquant ici). Podcast enregistré le 9 novembre 2019 suite à la défaite 2-0 contre Leicester.

Le profil idéal ?

Le 23 mai 2018, Arsenal officialise l’arrivée d’Unai Emery à la tête du vestiaire des Gunners. Le basque a alors la lourde tâche de remplacer Arsène Wenger après 22 années passées à bâtir et développer le club que nous connaissons aujourd’hui. L’héritage du français est monstrueux, à l’image d’un Sir Alex Ferguson du côté de Manchester United. Et à l’image des Red Devils, le board souhaite nommer quelqu’un qui pourra apporter un nouveau souffle aux Gunners tout en restant de nombreuses années sur le banc.

Unai Emery semble alors le candidat parfait pour la succession d’Arsène Wenger. Le coach espagnol vient de remporter de nombreux trophées au PSG. Et malgré les déboires en Ligue des Champions (cf remontada 6-1 contre le Barça), Unai Emery a tout de même réussi l’exploit de remporter trois Ligue Europa consécutives avec le FC Séville de 2014 à 2016. Unai Emery coche donc toutes les cases nécessaires pour réussir à Arsenal : expérience nationale au PSG, expérience européenne avec Séville. La seule énigme reste donc de savoir si les principes de jeu du basque et les valeurs d’Arsenal vont coller sur le long terme.

Des débuts prometteurs

Tout d’abord il faut souligner le très bon mercato réalisé sous l’influence de Sven Mislintat qui a su amener du sang neuf à chaque ligne. Un florilège de bonnes pioches, de Leno à Torreira en passant par Guendouzi qui viennent rajeunir un effectif en perte de vitesse. Beaucoup de joueurs se voient également proposer une prolongation de contrat. Ainsi, Maitland-Niles, Chambers, Holding ou encore Xhaka rempilent sur plusieurs années. Il n’y en a qu’un autour duquel l’incertitude court, c’est Ramsey, dont le contrat expire cette saison. Dans un premier temps Emery explique vouloir en faire un élément majeur de son système avant de se raviser quelques semaines plus tard..

A court terme, les débuts d’Arsenal sous Unai Emery sont prometteurs. Les Gunners commencent certes par deux défaites en championnat contre Manchester City et Chelsea mais s’ensuit une série de 22 matchs sans défaite toutes compétitions confondues. A ce moment-là, les supporters et les observateurs sont positifs. Arsenal a trouvé la bonne personne pour reprendre les rennes du club. Le jeu affiché est parfois digne du “Wengerball”. En atteste la victoire 3-1 contre Leicester le 22 octobre 2018 (date de l’anniversaire d’Arsène Wenger d’ailleurs) avec un but collectif d’anthologie de Pierre-Emerick Aubameyang.

Les premiers signes de fatigue

Mais voilà, le conte de fées s’estompe petit à petit. Le mois de décembre des Gunners est magnifique d’un côté, catastrophique de l’autre. D’un côté, victoire tonitruante contre Tottenham (4-2). De l’autre, Arsenal n’enchaîne pas avec match nul 2-2 contre une faible équipe de Manchester United. La suite de ce mois de décembre est une série de hauts et de bas. Les Gunners gagnent à domicile contre Huddersfield et Burnley mais s’écrasent dans la période du Boxing Day à l’extérieur contre Southampton, Brighton et Liverpool avec une défaite 5-1 à la clé.

Arsenal se reprend ensuite au fil de la saison mais les maux sont là, affichés au grand jour. Cette année encore, Arsenal ne luttera pas pour le titre. Le constat est cruel mais réaliste : Arsenal n’a pas le niveau pour concurrencer Liverpool et Manchester City. De plus, la gestion du vestiaire par Unai Emery commence à être questionnée. Aaron Ramsey, pilier du club depuis de nombreuses années et titulaire presque indiscutable sous Wenger, se retrouve sur le banc la majorité du temps. Or, le gallois est l’un des joueurs les plus décisifs de Premier League malgré son maigre temps de jeu. Jugeant qu’Aaron Ramsey ne rentrait pas dans ses plans, Emery et la direction décident de ne pas proposer de renouvellement de contrat au Gallois qui partira libre pour la Juventus de Turin à l’issue de la saison.

Source : Iconsports
Les pieds dans le tapis

En deuxième partie de saison, Arsenal se reprend quelque peu mais s’effondre dans le sprint final pour la course au top 4. La semaine du 21 avril restera comme le symbole de cet échec avec trois défaites face à Palace (3-2), Wolverhampton (3-1) et Leicester (3-0). Une déception d’autant plus grande qu’il ne manquait qu’un point pour atteindre l’objectif fixé. Mais la désillusion ne s’arrête pas là, puisque les Gunners s’effondrent en finale de l’Europa League face aux Blues de Chelsea (4-1), le 16 mai dernier, mettant un terme aux rêves européens des hommes d’Emery. Une première saison post-Wenger en demi-teinte, ternie par une nouvelle non qualification en Ligue des Champions et une décevante 5e place.

Pas le temps de sécher les larmes de Baku, il faut déjà penser au mercato estival. Et si les premières rumeurs qui courent sont peu reluisantes, ce mercato sera finalement historique, avec le recrutement de Nicolas Pepe pour 80 millions d’euros, record du club (paiement échelonné sur 5 ans). Les 5 autres recrues sont très intéressantes, avec une vision globale sur le long terme. Toutefois, le secteur défensif est encore une fois délaissé avec pour seule arrivée cette saison : David Luiz. Il n’aurait pas été de trop d’investir dans un secteur défaillant depuis plusieurs années. Toujours est-il que sur le papier, ce mercato est une vraie réussite compte tenu des maigres espoirs que l’on pouvait nourrir après avoir manqué la Ligue des champions pour la troisième année consécutive. Avec ce marché des transferts et le renforcement de la politique d’intégration des jeunes au sein de l’équipe première, tous les espoirs sont permis pour voir de nouveau Arsenal briller et atteindre ses objectifs.

Sabotage en règle
Source : Iconsports

Les premiers résultats de la saison sont satisfaisants sur le plan comptable mais dans le jeu Arsenal n’y est pas. Sans un Aubameyang au sommet de son art, les Gunners d’Emery n’auraient sûrement pas pointés à la quatrième place du championnat après 8 journées. Malheureusement, après la trêve internationale d’octobre et malgré les retours progressifs de blessés de longues dates, la situation s’empire sur, et en-dehors des terrains. Arsenal n’a plus gagné en championnat depuis 4 matchs (victoire 1-0 contre Bournemouth le 06/10/19) et s’éloigne petit à petit du top 4. Des résultats qui contrastent très largement avec la série d’invincibilité de l’an dernier. Un constat dramatique qui remet totalement en cause le fameux “process” dont parle Emery. Puisqu’ un an et demie après le départ de Wenger, les problèmes d’Arsenal sont toujours les mêmes (difficultés à l’extérieur, fébrilité défensive), le beau jeu en moins.

Si suivre Arsenal sur le terrain cette saison devient un supplice, ce qui s’y passe en-dehors est en revanche digne d’une excellente télénovela, avec des rebondissements et du suspens. Une série qui émane en grande partie des choix d’Emery. Il y a d’abord la gestion d’Özil. En tribune depuis le début de saison, il fait désormais son retour dans le onze, sans plus d’explication de la part de son coach sur ce revirement. Et surtout, comment ne pas évoquer la gestion de Granit Xhaka ? Lui qui est tristement passé du statut de capitaine indéboulonnable à joueur sur le départ, après son coup d’éclat face à Crystal Palace. Ajoutez à cela une communication d’Emery parfois lunaire sur le contenu des matchs et vous obtenez un semblant de divorce entre les joueurs, l’entraîneur et les supporters.

L’escalade d’engagement

Finalement, qu’est-ce qui caractérise l’échec actuel d’Emery ? Surement une forme d’obstination irraisonnée dans certains choix tactiques et humains. On peut parler de cet entêtement à faire relancer le gardien sur du jeu court, qui expose les défenseurs – dont on connait les lacunes – au pressing adverse. On peut également évoquer la réticence d’Emery à utiliser un joueur créatif au milieu de terrain, ce qui a tendance à couper l’équipe en deux. On a discuté la gestion de Ramsey, Ozil et Xhaka qui ont toutes fait des dégâts.

Tout porte à croire qu’Emery s’est enfermé dans une escalade d’engagement, c’est à dire un processus voué à sa perte mais sur lequel il ne peut plus faire marche arrière. L’escalade d’engagement est le fruit d’une logique radicale qui consiste à ce que lorsque l’on prend une décision, celles qui vont suivre ne vont faire que valider la première. Ainsi, quand Emery fait de Xhaka son capitaine il va au bout de sa logique, en le soutenant et le titularisant coûte que coûte, jusqu’à ce que celui-ci pète un plomb. Même chose avec Özil dont il choisit de se passer, pour finalement être contraint par la pression populaire et la réalité du terrain de faire revenir dans l’équipe. Si tel est le cas, il va s’en dire que ce phénomène d’auto-persuasion est très dangereux. C’est en tout cas ce qui se dégage de la communication d’Emery qui ne revient jamais sur ses erreurs et affirme sans cesse que l’équipe a suivi son plan de jeu sans succès. Trust the process..

#Julien B et #Albin


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