Pourquoi Arsenal est un modèle pour tous les autres clubs européens ?

Pour beaucoup, Arsenal est devenu un club mineur en Europe, un club sur le déclin, à des années lumières des Chelsea, Manchester United et Manchester City. En réalité, c’est totalement faux. A l’époque où les propriétaires milliardaires se multiplient en Europe et faussent totalement le jeu en déréglant le marché (sous le règne des Qatariens, le Paris Saint-Germain est passé du statut d’éternel outsider en Ligue 1 à celui d’un potentiel Champion d’Europe et Monaco, contrôlé par le Russe Dmitri Rybolovlev, tout juste promu en L1, s’est attaché les services de Falcao et est considéré comme un des favoris pour le titre de Champion de France ce qui est certainement une première dans l’histoire du football contemporain). Arsenal a choisi une voie totalement différente. Une voie que nombre de fans de football ne comprennent pas. Arsenal est en avance sur son temps, comme depuis 16 ans (17 bientôt) à vrai dire et l’arrivée d’Arsène Wenger à la tête du club. AFC vous explique pourquoi.

Un entraineur visionnaire

L’élément déclencheur est son arrivée en septembre 1996. Cet homme, inconnu en Angleterre et qui s’est exilé au Japon après avoir été limogé de son poste à Monaco, ne fit pas l’unanimité en Angleterre. Bien au contraire. A l’époque, la presse sportive anglaise titrait “Arsène Who ?”. Mais ce Français aux allures de professeur des écoles, pour reprendre l’expression de Tony Adams, révolutionna le football anglais par des idées novatrices pour l’époque. La légende de celui que la presse surnomme “Le Prof” peut prendre désormais racine.

En arrivant à Arsenal, il changea radicalement l’approche footballistique de l’équipe et du club. Il passa d’un système à vocation défensive (le fameux 3-5-2 de Graham) à un 4-4-2 plus offensif. En dehors du terrain, il changea l’approche que les joueurs avaient du football. Les entrainements furent raccourcis, tout en accentuant le travail foncier et redonner une bonne condition physique aux joueurs. Pour compléter son dispositif, il changea aussi la diététique. Changeant l’alcool des joueurs par de l’eau, les obligeant à se nourrir sainement et en adéquation avec leur condition de sportif de haut niveau. Le symbole de ce changement n’est autre que Tony Adams que Wenger réussit à sortir de l’alcoolisme et par la même occasion à prolonger sa carrière de quelques années. On peut également citer Paul Merson, que l’Alsacien aida aussi. Steve, Bould, alors sous les ordres du Français, confirma que la méthode Wenger était la bonne et qu’il se sentait “dans la meilleure forme de sa carrière” grâce à Arsène Wenger.

A son arrivée, cette défense d’Arsenal était considérée comme vieillissante, sur le déclin, mais l’expérience de ces joueurs associée à une condition physique digne d’un professionnel permit à Arsenal d’asseoir de nouveau sa domination en Premier League. Devant les résultats spectaculaires de ces méthodes, jusqu’alors boudées en Angleterre, elles furent toutes copiées.

De nos jours, tout le monde connaît la société Opta, spécialisée dans la création de contenus sportifs et qui fournit un champ illimité de statistiques. Tous les entraîneurs, les clubs et surtout les médias puisent leurs connaissances dans le savoir de ces génies des stats depuis 1996 mais cela a pris beaucoup de temps. Arsène Wenger, au contraire, est un universitaire (licencié en Sciences Economiques) et a toujours été passionné par les maths, les chiffres. Il a commencé à utiliser un logiciel informatique dès la fin des années 1980 pour gérer son effectif. Répondant au nom de Top Score, ce logiciel, créé par un ami du Français, lui permettait de consulter les performances de ces joueurs en match, via des notes. Reprise dans la magistrale oeuvre de Simon Kuper et Stefan Szymanski (*), la citation de Wenger vaut son pesant de cacahouètes: “La plupart des joueurs qui avaient de très bons scores ont eu de grandes carrières”. Comment diable a-t-il vu en Thierry Henry et Patrick Vieira des futures stars mondiales alors que les deux croupissaient en Italie ? Et il y en a à la pelle des exemples dans le genre ! De par l’utilisation quasi-universelle des statistiques, on ne peut que saluer le génie visionnaire de Wenger.

Aujourd’hui tous les clubs professionnels appliquent ces mêmes méthodes. Mais ces résultats ne furent pas le seul facteur de la réussite d’Arsène Wenger.

Une philosophie nouvelle

« Au début, j’ai pensé : Qu’est-ce que ce Français connaît au foot ? Il porte des lunettes et ressemble à un instituteur. Il ne peut pas être aussi bon que George Graham. Et parle-t-il seulement l’anglais correctement ? » T. Adams

Ce qui caractérise Arsenal depuis l’arrivée d’Arsène Wenger est le jeu. Le Français transforma le “Boring Arsenal” qui termina à une anonyme 12ème place en 1994-1995 (derrière Tottenham, la dernière fois à ce jour) en une machine à jouer et à plaisir. Radicalement tournée vers l’offensive, cette philosophie permit à Arsenal de retrouver le top 4 dès la première saison de Wenger et un premier doublé FA Cup – Championnat en 1998. Le spectacle apporté chaque weekend fit très rapidement oublier le “Boring Arsenal” et devint très rapidement la marque de fabrique des Gunners. Peu important l’adversaire ou le résultat, en regardant Arsenal, on était à peu près certain de voir du beau football et de prendre du plaisir.

S’inspirant très largement du football total de l’Ajax Amsterdam et Crujff, le manager français mit en place un système de jeu offensif, très vertical, laissant une totale liberté d’action à ses joueurs dans les trente derniers mètres. Cette liberté offerte s’inscrit dans la volonté d’Arsène Wenger de produire un jeu pur, imprévisible, instinctif.

A l’entrainement, tout est fait pour que chaque joueur sache instinctivement ce que fera son coéquipier dans telle ou telle situation. Le but est qu’une fois que les joueurs ont intégré cela, le jeu s’accélère et que l’équipe joue à une ou deux touches de balle maximum. La philosophie de Wenger peut se résumer en quatre mots : “vista, mouvement, rapidité et fluidité.”

De plus, connaissant les difficultés d’adaptations des nouvelles recrues à la Premier League, le Français met en place des séances quelque peu particulières afin d’aider les recrues à s’adapter. Ces séances où “tout est permis” permettent aux recrues d’appréhender ce qui les attend sur les pelouses du championnat. Ce qui, contrairement à la croyance populaire, montre qu’Arsène Wenger ne base pas ses séances d’entrainement simplement sur des exercices techniques au préjudice des aspects physiques et tactiques. Demandez à Thierry Henry comment il a été accueilli par Tony Adams, Nigel Winterburn, Martin Keown et Steve Bould !

Wenger n’est pas réputé pour être un tacticien hors pair comme peuvent l’être José Mourinho mais c’est un véritable meneur d’homme capable de tirer le meilleur de ses joueurs. Sa confiance indéfectible en ses joueurs rassure ses hommes et leur permet de donner le meilleur d’eux même et de prendre des décisions par eux-mêmes sur le terrain. Lors des causeries de matchs, le Français n’est pas le genre à élever la voix mais il possède cette force de conviction qui remobilise une équipe, qui rassure des joueurs. Cependant, Arsène Wenger a prouvé à de nombreuses reprises qu’il n’était pas qu’un simple meneur d’homme mais aussi un fin tacticien.

Au fil des années, le Français a adapté son plan de jeu à ses joueurs, passant du 4-4-2 au 4-5-1, au 4-3-3 et au 4-2-3-1 pour coller au mieux aux forces de son effectif (voir article sur l’évolution tactique). Il s’est d’abord appuyé sur Ian Wright et des ailiers rapides pour faire la différence. Ensuite, il a construit une équipe autour du duo Bergkamp-Henry afin de le faire briller. Et en 2011-2012, il a construit une équipe pour faire briller Robin van Persie. S’il n’était pas fin tacticien, nul doute qu’il n’aurait pas pu battre le grand Barça en gardant son propre jeu, il n’aurait probablement pas non plus pu battre le Bayern Munich ou même terminé une saison invaincu avec Arsenal. A chacun de ces matchs là, Wenger a su trouver la solution pour apporter de la cohésion à son système malgré les machines à gagner qu’Arsenal a dû affronter. Par exemple, au match retour à Munich, il a su repositionner Wilshere plus bas afin de perturber le pressing bavarois et offrir plus de fluidité et de solution dans l’organisation du jeu.

Une académie performante

Cette philosophie n’a pas été seulement appliquée à l’équipe première. Elle imprègne aujourd’hui le club tout entier. S’inspirant du modèle de l’Ajax Amsterdam, Wenger a imposé, dès les classes les plus jeunes de l’académie, le même système de jeu que l’équipe première. Ainsi, les joueurs issus du centre de formation intégrant l’équipe première connaissaient déjà la philosophie et n’ont pas besoin de temps d’adaptation.

Comme à son époque à Monaco, Wenger s’est forgé une réputation de découvreur de talent. Pendant ses premières années à Arsenal, il recruta des joueurs tels que Thierry Henry, Patrick Vieira, Kanu, Nicolas Anelka, etc.. Mais avec les modifications des règles en Premier League, à savoir, l’obligation d’avoir au moins 8 joueurs ayant passé au moins 3 ans en Angleterre avant 21 ans, Wenger a dû se tourner vers la formation au sens pur du terme. Avoir un centre de formation performant devint une nécessité. Cela le devint d’autant plus avec la construction de L’Emirates Stadium qui a nécessité de gros sacrifices financiers de la part d’Arsenal. Ce pari pour l’avenir, incarné par Jack Wilshere, est un travail de longue haleine qui commence aujourd’hui à porter ses fruits avec des jeunes à fort potentiel dans les catégories inférieures.

En catégorie de jeunes, aucun résultat n’est réellement exigé. Les exigences se situent en terme de jeu et de compréhension du style de jeu. Les joueurs doivent connaitre parfaitement le style de jeu afin de savoir ce que fera le coéquipier et trouver les meilleures combinaisons. Tout ce travail en amont est fait pour que le jeune qui a sa chance en équipe première s’intègrent de la meilleure des manières à l’équipe première.

Aujourd’hui, l’Académy d’Arsenal commence à atteindre ses objectifs puisqu’elle a permis l’émergence des Wilshere, Gibbs et Szczesny en A et de voir des joueurs tels qu’Olsson, Gnabry, Zelalem, Akpom ou Bellerin pouvoir prétendre, à l’avenir,  jouer un rôle à Arsenal.

Un modèle financier sain

C’est LE but d’Arsène Wenger. Faire d’Arsenal un club sain, qui n’a pas besoin de propriétaires richissimes pour fonctionner. Ces huit dernières années, depuis la construction de l’Emirates Stadium, ont été extrêmement dures pour le Français. Ce choix, aussi difficile fut-il pour Wenger, est la voie de la raison. Ce choix a d’autant été plus difficile pour le manager français puisqu’il a conduit au départ de David Dein, qui était un de ses amis. David Dein souhaitait emprunter une autre voie. Il souhaitait que le club soit racheté par Alisher Usmanov (Deuxième actionnaire du club aujourd’hui). C’est la raison pour laquelle il a pris la tête de la holding Red & White après avoir quitter son poste. Un véritable coup pour Wenger puisque l’un de ses plus proches amis devint un adversaire. Malgré tout, il conserva le soutien de Danny Fiszman au sein du board. En 2011, juste avant la mort de Fiszman, afin d’éviter la prise de contrôle d’Usmanov et que le projet du club soit réduit à néant, le board a vendu ses parts à l’Américain Stan Kroenke puisque celui-ci a adhéré à la vision du club.

Cette période 2006-2013 a vu Arsenal être obligé de sacrifier ses meilleurs joueurs pour s’assurer un avenir et rembourser sa dette. La raison de ces difficultés se trouve essentiellement au niveau des contrats commerciaux qui, jusqu’à cette année (2013), ne suffisait pas à rembourser la dette et à renforcer l’équipe. Pour preuve, les précédents contrats avec Emirates et Nike s’élevaient respectivement à £5,5M et £7,7M par saison. Un montant dérisoire face aux sommes que le club devait rembourser chaque saison (environ £20M). Le renforcement de l’équipe était donc secondaire afin d’éviter de devoir payer des pénalités en cas de non remboursement des échéances.

Depuis cette année, Arsenal se trouve en meilleure position. Le club a réussis à mettre de l’argent de côté afin de se constituer un petit trésor de guerre pour le recrutement. De plus, le renouvellement et la revalorisation des contrats commerciaux permettent aujourd’hui à Arsenal de regarder l’avenir avec sérénité. Le contrat de sponsoring avec Emirates a été revalorisé de £24,5M et à partir de 2014-2015, le contrat avec Puma rapportera £27,3M supplémentaires par an. Ces contrats, d’une durée plus courte que ses adversaires du top 4, permettront à Arsenal de les renouveler plus tôt et d’obtenir une revalorisation qui offrira plus de moyens à Arsenal. Par exemple, le contrat avec Puma a vraisemblablement une durée de 5 ans alors que pour les concurrents d’Arsenal, ces contrats ont, au minimum, une durée d’au moins deux ans supplémentaires. Grâce à ces années de diète sur le marché des transferts, Arsenal peut aujourd’hui rembourser sa dette et concurrencer les plus grands clubs pour les meilleurs joueurs.

Le début d’une nouvelle dynamique

Dès le mois de juin, le gestionnaire et politicien, Ivan Gazidis, avait laissé de côté ses discours rassurants et prudents pour un discours optimiste et déterminé, expliquant qu’Arsenal pouvait désormais “rivaliser avec n’importe quel club au monde” pour la signature de grands joueurs.

Ces renouvellements de contrats vont permettre de dégager près de £52M supplémentaires par saison et près de £80M si l’on ajoute l’augmentation des droit TV de £30M cette saison. Désormais, Arsenal va s’enrichir chaque saison, permettant ainsi à Wenger de recruter à la hauteur de ses ambitions et du standing d’Arsenal. C’est là où l’offre pour Suarez est exceptionnelle de la part du manager français. Jamais, il n’a dépassé les £16M dépensés pour faire venir Arshavin. De plus, s’attaquer au meilleur joueur d’un rival démontre toute l’ambition nouvelle et la confiance qui habite Arsène Wenger concernant l’avenir.

Aujourd’hui, compte tenu de la jeunesse de l’effectif d’Arsenal et du potentiel qu’il contient, ainsi que de la nouvelle puissance financière du club, les Gunners deviennent une équipe attractive pour les meilleurs joueurs. Le plus dur est de signer la première grosse recrue. Le reste suivra et le succès aussi. Et cela, on le devra à Arsène Wenger.

#Yann


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