Questions-Réponses avec Jack Wilshere.

Jack Wilshere, les trophées en ligne de mire.


Lorsque j’arrivai sur le toit-terrasse du stylé et couteux Soho House à Manhattan un de ces matins étouffants, des filles en bikinis se trémoussaient dans la piscine, ne s’arrêtant que pour lancer des grands regards à un garçon châtain, taquin, portant une casquette de baseball, assis sur une méridienne un peu plus loin.
« Oh, ça c’est Harry Styles des One Direction, » m’expliqua Jack Wilshere, assis sous un parasol. « Il est sorti avec Taylor Swift, mais comme un million d’autres mecs… »
C’est parfois facile d’oublier que Wilshere a lui-même été une coqueluche des adolescentes anglaises lorsqu’il fit ses début pour Arsenal à l’âge de 16 ans, l’apparition la plus jeune de l’histoire du club en championnat. Incroyablement, c’était il y a cinq ans, et le fait qu’il soit toujours vu comme le jeune joueur le plus prometteur (et le plus fragile) de son pays vous en dit autant sur l’état moribond du football anglais que le progrès fulgurant de Wilshere dans les rangs de la Premier League et du football international.  Malheureusement, son ascension sur le terrain a été assortie de son extraction du programme d’entraînement. Des blessures l’ont privé de plus de deux ans de terrain. D’une manière ou d’une autre, un Jack remonté a quand même réussi à porter le maillot des seniors anglais à sept reprises (il obtint sa première sélection à l’âge de 18 ans) et à jouer 62 matchs avec les Gunners. Depuis que Paul Gascoigne a noyé son talent dans l’alcool, le public anglais, toujours plus frénétique, a cherché a en faire des tonnes avec les milieux, et Wilshere, 1m70, est le dernier en date a avoir été bénit et maudit par les grandes attentes.


Je l’examinai de la tête au pied et ne remarquai aucun boitillement lorsque Wilshere vint m’accueillir près de la piscine vêtu de son ensemble de joueur composé d’un polo Nike, de baskets, et d’une barbe de trois jours à la Ryan Gosling. Etant très expressif sur le terrain, comme beaucoup des joueurs qui ont grandi dans une serre chaude dès le plus jeune âge, Wilshere n’est pas réputé pour être expansif en dehors. Peut-être est-ce son penchant pour One Direction, mais il était d’humeur particulièrement bavarde.

ESPN FC: Commençons par votre cheville. Comment va t-elle?

Wilshere: A 100%. Je m’attends sincèrement à faire une pré-saison solide. Je n’en ai pas eu en deux ans et lorsque vous en ratez une, vous essayer constamment de rattraper ce manque. C’est une chance de prouver au manager que vous méritez d’être dans l’équipe et je pense que la compétition va être rude à plusieurs postes. Mais c’est une bonne chose. Si vous vous battez pour les trophées, il vous faut une grosse équipe. On ne peut pas demander à 11 joueurs d’être au top chaque semaine.

Etes-vous excité à l’idée de voir Gonzalo Higuain rejoindre le club?

Je n’ai jamais joué contre lui mais quiconque joue pour le Real Madrid ou l’Argentine se doit d’être de qualité.

Des rumeurs avancent que vous pourriez être rejoint par un anglais de plus. [Tenez, je sors ma seconde arme secrète, une copie de la récente autobiographie de Wayne Rooney que j’ai traduit en partie en Anglais.]

Si cela arrive, ca serait fantastique. C’est le genre de joueur qui vous ramène des trophées. Et le simple fait de voir son nom sur la feuille de match génère de la peur à l’adversaire. On pourrait le faire avec un peu plus.

De trophées ou de peur?

[Il rit] Les deux.

Est-ce que Rooney était un modèle pour vous lorsque vous avez grandi?

Oh oui bien sur. Lors de ses débuts, il avait 16 ans et a marqué un but incroyable contre Arsenal. Puis il a joué à l’Euro à 18 ans et je pense qu’il est le meilleur joueur de la sélection depuis les 8 dernières années. Lorsqu’un jeune joueur comme moi ou Theo ou Alex arrive en sélection, il vous prend sous son aile et prend soin de vous.

Et comment cela se passe lorsque vous l’affrontez en club?

Et bien c’est différent. [Il rit] c’est le genre de joueur qui ne fait pas de quartier. Il aime les situations difficiles.

Donc vous êtes semblable en ce sens?

Je pense qu’en Angleterre, c’est important de jouer avec la gnac. Regardez tous les milieux anglais qui ont réussi, ils l’avaient tous. Gerrard, Scholes…

J’espère que vous ne prenez pas exemple sur les tacles de Scholes…

Et bien, il fut brillant sur tellement d’autres choses…

Et qu’en est-il lorsqu’une action se termine par une “Scholes”? (référence aux réactions agressives habituelles du mancunien après une faute subie.)

Le football, c’est le football. Lorsque vous prenez un coup, vous l’acceptez. C’est ce qui se passe contre le cours du jeu qui peut vous faire partir en vrille.

Pensez-vous que les autres équipes vous ciblent dans l’espoir de vous faire perdre vos moyens, devenir plus agressif et prendre un carton?

Est-ce que je subis beaucoup de fautes? Oui mais je pense que c’est surtout parce que j’aime courir balle au pied depuis des positions basses, pas vraiment parce que les adversaires me prenne en chasse. Mais bon, je ne me prends pas la tête à ce sujet.

Etes-vous inquiet du futur du football anglais après l’élimination des U21 aux championnats d’Europe et des U20 à la Coupe du Monde, et ce, sans avoir gagné le moindre match?

C’est évidemment décevant. Vous restez la devant votre écran en espérant rentrer sur la pelouse pour les aider. J’ai joué avec plusieurs joueurs des U21 en U16 et je sais qu’ils possèdent d’excellents joueurs tels que Wilfried Zaha. Ils ont réalisé un tournoi médiocre et cela ne veut pas dire que le futur du football anglais est en mauvaise posture. Pas avec des mecs comme Phil Jones, Tom Cleverley, Danny Welbeck…

Vous avez omis de vous citer. Est-ce parce que vous fatigué d’être labélisé “Le futur de toutes choses, d’Arsenal, de l’Angleterre et de l’occident?”

C’est flatteur mais cela me fait aussi un peu rire. Même Messi ne peut remporter la Coupe du Monde à lui tout seul. Il a besoin d’avoir des joueurs nécessaires à ses côtés et comme j’ai pu le dire, je sens qu’il y a ce genre de joueurs en sélection anglaise.

Mais comment arrivez-vous à gérer la pression énorme que les gens vous imposent?

Quelle pression? [Il rit] J’admire les joueurs qui savent prendre du recul comme Cesc ou RVP ont pu le faire. Mais par moments, il faut se dire que pour gagner, vous devez vous élever et prendre le contrôle. Soit vous avez cette mentalité, soit vous ne l’avez pas. Je ne pense pas qu’on puisse dire à quelqu’un: “Vas-y, prend le contrôle du match.” Comprenez-moi bien. Evidemment, le manager favorise cet aspect mais c’est quelque chose que vous avez déjà en vous.

C’est ce que vous vous êtes dit à la mi-temps du match contre le Bayern en Ligue des Champions lorsque l’équipe était conspuée par son public?

Le Bayern est sans doute la meilleure équipe que j’ai affrontée, meilleure que Barcelone. On savait qu’ils seraient difficiles à battre mais tactiquement et physiquement, ils étaient au dessus en première période. Vous ne vous attendez pas à ce genre de choses à domicile et je peux comprendre la frustration des fans. Je pense qu’on a su récupérer leur respect en seconde période et par la suite, en les battants 2-0 chez eux.

Que ressentez-vous après les rumeurs indiquant que Pep Guardiola veut vous voir devenir un joueur du Bayern dans le futur?

Franchement, je suis flatté. Comment ne pas l’être? C’est la meilleure équipe d’Europe mais je suis un joueur d’Arsenal et je viens tout juste de signer un nouveau contrat. Donc pour l’heure, je suis totalement focalisé sur la saison à venir.

La saison dernière, vous aviez déclaré que finir 3ème est “inacceptable” pour une équipe telle qu’Arsenal et puis vous aviez fini 4ème. Comment voyez-vous les choses cette année?

Regardez le genre de joueurs, comme Higuain, que nous essayons de faire venir. C’est de bon augure. Je pense qu’on a besoin de davantage de joueurs de ce calibre pas seulement pour étoffer l’effectif mais pour ajouter de la valeur au groupe. Notre équipe doit avoir la même profondeur que United ou City. Ces derniers peuvent changer intégralement leurs défenses et gagner encore. United n’a pas gagné la Premier League avec uniquement 18 joueurs.

Je remarque que c’est la troisième fois durant cette conversation que vous prononcez le mot “Trophée”. Est-ce devenu une obsession pour le club?

C’est un secret de polichinelle; on a besoin de gagner un trophée. Ca fait combien de temps maintenant? 7 ou 8 ans? Les joueurs ressentent la pression et nous avons été proches de le faire plusieurs fois comme avec la Carling Cup il y a quelques années. Je pense qu’une fois qu’on en aura gagné un, les autres suivront.

Croyez-le ou non, il fut un temps ou Arsenal garnissait sa vitrine de trophées…

Je regardais une émission sur la Premier League l’autre jour et ils parlaient des Invincibles. Ce devait être incroyable de jouer dans une équipe qui savait qu’elle allait gagner avant même de rentrer sur la pelouse.

Une des forces de cette équipe fut cet équilibre exquis au milieu de terrain qu’Arsène Wenger a su orchestrer même s’il fallait se passer des services de Robert Pires ou de Freddie Ljungberg. Voyez-vous cela comme un problème entre vous et Santi Cazorla?

Souvenez-vous, l’an dernier fut la première saison de Santi en Premier League et il s’est brillamment adapté. Il fut sans aucun doute notre meilleur joueur l’an passé mais lui et moi sommes toujours dans l’apprentissage du jeu de chacun. Je pense que nous sommes au mieux lorsque je suis placé plus bas et lui jouant devant, comme ce fut le cas avec Cesc durant notre première saison ensemble. Mais Cesc est un joueur différent de Santi. Cesc aime prendre les espaces tandis que Santi aime jouer dans les petits périmètres. Mais Santi et moi développons un bon rapport et je pense que ce sera encore meilleur cette année.

Que pensez-vous des commentaires de Wenger en fin de saison dernière, pensant qu’il vous avait fait revenir trop tôt car l’équipe avait besoin de vous pour la bataille à une qualification en Ligue des Champions?

J’ai toujours eu une bonne relation avec le manager, comme avec Steve Bould en équipes de jeunes. Ils ont tous les deux été très protecteurs avec moi et m’ont dit de ne pas me mettre trop de pression pour mon retour dans l’équipe avant d’être totalement prêt. Mais en tant que joueur, vous voulez jouer tous les matchs, surtout les matchs qui déterminent le succès de la saison. Donc, peut-être que je n’étais pas vraiment prêt et cela s’est vu sur le terrain.

Si vous deviez décrire votre carrière en trois mots, lesquels choisiriez-vous?

Passionnant. Frustrant…[A cet instant, Wilshere marque une pause et on peut voir son hésitation pour le mot qui résume son passé, son présent et son avenir comme il le dit…] et prometteur.

#Alex et #Max (via espnfc.com)


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