Thierry Henry quitte les réseaux sociaux

Thierry Henry s’est exprimé dans le Telegraph sur son retrait des réseaux sociaux. Il salue également l’initiative de Gareth Southgate, sélectionneur des Three Lions, de couper totalement les réseaux sociaux des joueurs anglais lors de l’Euro cet été. Voici la retranscription de sa prise de parole, en français. 

Thierry Henry a qualifié “d’incroyable” le projet de Gareth Southgate de discuter d’une coupure de Twitter et d’Instagram pour ses joueurs lors de l’Euro et a révélé que ses sponsors avaient soutenu sa propre décision de quitter les réseaux sociaux. La légende d’Arsenal a souligné que ce ne sont pas seulement les abus subis par les footballeurs qui ont motivé sa décision de fermer ses réseaux sociaux. Il a admis que comme des milliers de parents, il a “peur” de l’effet que cela pourrait avoir sur ses propres enfants. Il a annoncé qu’il retournerait sur Facebook, Twitter et Instagram si des changements sont faits pour protéger les internautes du racisme, des abus et du harcèlement. Il a reçu le soutien de ses sponsors suite à cette décision comme le manager des Three Lions, Gareth Southgate, le capitaine du Pays de Galles, Gareth Bale ou encore du club d’Arsenal qui a lancé sa propre campagne “stop online abuse”

Le sélectionneur anglais a déclaré qu’il laisserait le choix à son équipe de couper – ou non – leurs réseaux sociaux pendant l’Euro pour éviter la négativité ou les abus. Pour Thierry Henry, “cela crée des tensions sans raison. Je me souviens de la Coupe du monde en 1998 avec la France, nous n’avions ni journaux ni télévisions autour de nous.”

L’un des problèmes potentiels pour l’équipe d’Angleterre ou les sportifs de haut niveau, qui voudront peut-être suivre l’exemple d’Henry, est la réaction de leurs sponsors. Henry a insisté sur le fait qu’il ne s’attend pas à ce que “tout le monde” quitte les réseaux sociaux, mais il espère que les sponsors donneront à leurs clients le même soutien qu’il a reçu de Puma, Heineken et Renault. Je ne sais pas si les gens ou les joueurs ont peur parce que certaines personnes gagnent leur vie grâce à ces plateformes, mais je comprends tout à fait cela”, a déclaré Henry. Mes sponsors m’ont soutenu, ce qui est pour moi très important et les gens doivent le savoir. Les sponsors doivent vous soutenir si vous voulez du changement. Par courtoisie, je leur ai dit ce que je ferais parce que trop, c’est trop.” 

“Je n’ai pas fait cela en espérant que les réseaux sociaux me contactent ou que les gens fassent ceci ou cela. Mais quand j’ai vu ce que Gareth Southgate a fait, je me suis dit « wow, merci ». Gareth Bale « wow, merci ». Pareil pour Arsenal.” Au cours de l’année écoulée, Marcus Rashford et Reece James ont été parmi les nombreux footballeurs victimes de violence raciale sur les réseaux sociaux, tandis que Mason Mount et Harry Maguire ont été victimes de trolls en ligne. Henry peut rapporter les problèmes que les réseaux sociaux peuvent créer d’un point de vue de joueur, mais aussi en tant qu’entraîneur, ayant été assistant du sélectionneur belge Roberto Martinez à la Coupe du monde 2018, puis entraîneur de Monaco et plus récemment, l’Impact de Montréal en MLS.

Thierry Henry à l’Impact de Montréal en mars 2020 (AFP)

“Aujourd’hui, la première chose que les joueurs font quand ils retournent dans le vestiaire, ils vont sur les réseaux sociaux”, a déclaré Henry. Ils ne sont pas contents de voir ce qu’ils voient parfois, mais c’est toujours la première chose qu’ils feront. Donc, la pression constante de “je dois être sur les réseaux, je ne veux pas regarder mais je regarde. Je vais être critiqué et je sais que cela aura un impact sur moi, mais je dois regarder”. Et cette pression  dicte tout ce que vous faites chaque jour. Lorsqu’un joueur entre dans le vestiaire, il cherche tout de suite à voir ‘”qu’est-ce qu’ils ont dit, qu’est-ce que cet expert a dit, qu’est-ce que le manager a dit, que disent les fans?” Alors qu’est-ce que tu fais? Tu essayes de plaire à quiconque qui parle de toi au lieu de parler du jeu à tes coéquipiers ou à ton entraîneur.”

Henry n’est pas contrarié par le fait que les grandes entreprises de réseaux sociaux n’aient pas encore pris contact avec lui. Ce qu’il veut voir, c’est un changement et pas seulement pour le bien des footballeurs, mais pour tous ceux qui ont souffert de racisme, d’harcèlement ou d’intimidation sur les réseaux sociaux et pour les parents, comme lui, inquiets de ce à quoi leurs enfants pourraient être exposés. “Ma fille est toujours sur les réseaux sociaux et, oui, j’ai peur”, a déclaré Henry. C’est privé, mais vous ne savez pas l’impact que cela peut avoir.”

“Il y a une pression extrême pour les jeunes. C’est comme si vous n’étiez pas cool si vous n’êtes pas sur les réseaux sociaux et ça, tous les parents le savent. Leurs enfants diront ‘tout le monde est dessus, pourquoi ne me laisses-tu pas dessus. Je ne serai pas cool à l’école’ et ainsi de suite. C’est un excellent outil, mais peut-il être sûr ? Si vous êtes jeune et que vous essayez d’aller dans une boîte de nuit, vous pouvez dire ce que vous voulez au videur, mais généralement vous devrez montrer votre carte d’identité et montrer votre âge. Sinon, vous ne pouvez pas entrer, il y a des règles. Alors pourquoi ne peut-il pas en être de même sur les réseaux sociaux, pourquoi les gens ne doivent-ils pas donner leur numéro de carte d’identité ou une forme quelconque d’identification, pour que nous sachions qui sont les gens et que chacun soit responsable ?”

“Il y a la situation de Wilfried Zaha qui s’est fait harceler par un jeune de 12 ans et qu’il a désormais peur de regarder ses commentaires. Je sais que vous pouvez dire qu’il peut désactiver ses commentaires ou ne pas regarder ses réseaux sociaux, mais vous ne diriez pas à quelqu’un de ne pas marcher dans la rue à cause de ce qu’il pourrait entendre. Vous ne voulez pas que les gens abusent de vous, de vos amis ou de votre famille.” Plutôt que de lire des communiqués, Henry veut savoir exactement ce que les réseaux sociaux feront pour rendre leurs plateformes plus sûres et il croit toujours qu’il y a plus à faire comme dans la lutte contre le racisme. “À quel moment les plateformes vont-elles s’exprimer sur ce qu’elles essaient de faire ou ce qu’elles prévoient ?” dit Henry. Arrêtez de vous cacher et parlez de ce que vous essayez d’accomplir.”

“Puisque rien n’a changé, Wilfried Zaha a décidé de se lever plutôt que de poser son genou avant le début des matchs. C’est sa décision et je la respecte. Mais à un moment, j’ai eu l’impression que le débat était devenu ‘est-ce qu’on se met à genoux ou debout ?’ Ce qui n’est pas l’objectif. Nous devons chercher la raison pour laquelle Wilfried est debout et pourquoi quelqu’un d’autre est à genoux. Pourquoi ne revenons-nous pas à la cause du problème, sur ce qu’il faut faire ou non, et pourquoi voulons-nous agir ?”

Wilfied Zaha qui refuse désormais de poser un genou à terre avant les matchs de Premier League, comme ici, face à WBA, le 13 mars dernier (Eurosport)

Sur la question de savoir si les footballeurs doivent ou non quitter le terrain s’ils subissent des propos racistes, Henry a ajouté : “Qui a le pouvoir d’arrêter un match sur le terrain ? L’arbitre. Alors pourquoi, quand il y a un joueur qui subit ce genre de propos, n’y a-t-il pas une règle disant que l’arbitre peut arrêter le match ? Pourquoi est-ce que cela doit toujours être la question pour le joueur noir, ‘voulez-vous sortir du terrain ?’ La responsabilité ne devrait pas revenir au joueur.” 

Henry a promis qu’il reviendrait sur les réseaux sociaux une fois qu’il pensera que ces derniers seront plus sûrs. Et sur sa mise au défi de savoir s’il est prêt ou non à rester en dehors de Twitter, Instagram et Facebook si rien ne change, il a été sans équivoque dans sa réponse. “Oui,” dit Henry. “Avant, ça (le racisme) m’arrivait sur le terrain, ça m’arrivait dans la rue, ça arrivait sur les réseaux sociaux. Je ne l’ai pas signalé sur les réseaux sociaux parce que je savais que je n’obtiendrais aucune réponse. J’en ai assez de parler, je cherche des conséquences.”

#AntoineJudit 

 

 

 

 

 

 


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