Alors comme ça Granit, on sait jouer au foot ?

Qu’y avait-il de pire qu’être français lundi soir ? Être français ET supporter d’Arsenal. Non seulement nos Bleus se sont fait éliminer, mais nous avons en plus dû subir l’affront de voir Granit Xhaka grandement contribuer à cette déroute. Une prestation XXL du milieu de terrain qui nous donne quand même l’impression d’avoir été le dindon d’une gigantesque farce. 

Qui ? Qui, parmi les supporters français des Gunners, ne s’est pas dit intérieurement et sans y croire une seule seconde, comme une vanne lancée à soi-même : « Hahaha, Xhaka a pas mis un pied devant l’autre pendant la saison, mais contre l’EDF, il va être incroyable et nous sortir » ? Haha. Merci, Granit. On rigole bien. Blond comme les blés pour être au four et au moulin, le joueur de la Nati a rendu une copie quasi-parfaite pour nous bouter hors de l’Euro au terme d’un match historique. Il aura donc fallu que Xhaka passe dans le camp d’en face pour être le joueur que nous rêvions qu’il devienne sous nos couleurs.

Le milieu rêvé

92 % de passes réussies, 3 interceptions, 3 occasions créées, 1 passe décisive et le trophée d’homme du match. Précis, intelligent, combattif et investi, Xhaka a été tout à la fois le leader technique et le leader mental de ses hommes pendant ce qui restera comme l’une des plus grandes performances de l’histoire de la sélection suisse. Et il faut bien le dire, même s’il a été difficile pour les Français d’apprécier sa performance, le milieu de terrain a régalé !

Sa passe décisive sur le but égalisateur de Gavranovic est un délice, et il a égrainé les douceurs tout au long de la rencontre (cette passe de quarterback à destination de Mehmedi à la 94e…). Mais le Suisse ne s’est pas contenté de parsemer sa prestation de jolis gestes. Il a joint l’utile à l’agréable. Contrairement à ce que pourrait laisser penser son pourcentage de passes réussies, il n’a pas été prudent à outrance, jouant vers l’avant et réussissant quelques passes aussi risquées que compliquées.

Hargneux mais propre à la récupération, fiable et créatif à la passe, rassembleur et galvanisant pour ses troupes : Xhaka a fait étal de toutes les qualités que l’on aurait aimé le voir déployer régulièrement au cours de ses 5 saisons chez nous. Passée l’aigreur de la défaite, sa performance magistrale est l’occasion de prendre du recul sur son aventure londonienne et de se demander pourquoi ce Granit là s’est si peu offert à nos yeux ces dernières années.

Incompréhension mutuelle

Sans vouloir aucunement relativiser sa performance, le premier élément à prendre en compte pour expliquer celle-ci est qu’un joueur comme Xhaka bénéficie grandement de la différence entre le football de club et le football international. En sélection, les systèmes défensifs sont moins sophistiqués, moins oppressants et moins rigoureux qu’en club. De quoi permettre aux joueurs d’avoir plus de temps pour ajuster leurs passes et jouer calmement.

De plus, il est certains footballeurs qui sont transcendés lorsqu’ils portent le maillot de leur équipe nationale. À l’instar de Griezmann ou encore de Pogba avec les Bleus, c’est visiblement le cas pour Xhaka. Coïncidence ou pas, depuis un certain temps pour les trois joueurs cités, la sélection et les trêves internationales sont de véritables bouffées d’air frais. Un moyen de souffler et de rompre avec un quotidien pas toujours facile en club.

Et les contextes délicats, avec Arsenal, le Suisse connait bien. Irrégulier pour certains, carrément décevant pour d’autres, la capitaine helvète entretient depuis son arrivée une relation tumultueuse avec les Gooners. Des tensions qui ont atteint leur paroxysme fin 2019, lorsque Xhaka, brassard au bras, avait échangé quelques noms d’oiseaux avec les supporters. Un environnement tout sauf serein, impropice à l’épanouissement d’un joueur qui marche à l’affectif.

Attention, le milieu de terrain n’y est pas non plus pour rien dans l’échec relatif de son passage sur les rives de la Tamise. Ses approximations, ses gestes d’humeur et ses sautes de concentration n’ont que trop souvent été préjudiciables au club, sans qu’il ne parvienne en contrepartie à être suffisamment décisif pour faire oublier ses errements.

Pour autant, et comme il l’a démontré hier soir, Xhaka a du football plein les pattes. Ce n’est pas pour rien s’il a été incontournable tant sous Wenger qu’avec Emery et Arteta. Après son départ, qui semble dorénavant inéluctable, il laissera derrière lui l’image d’un joueur pétri de qualités qui a manqué son rendez-vous avec les Gunners. Et pour les supporters français d’Arsenal, celle d’un abominable troll en prime.

 

Clément


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