Arsène Wenger, la Grande interview

Netherlands Soccer Champions LeagueCertains ont été surpris que Lionel Messi soit nommé Meilleur Joueur de l’Année FIFA récemment, mais ce ne fût pas un plébiscite total.

Arsène Wenger, tout en maintenant que le phénomène argentin est le meilleur joueur qu’il ait jamais vu, aurait plutôt voté pour le milieu espagnol Andres Iniesta. Messi est devenu le premier joueur au monde à avoir gagné quatre fois le Ballon d’Or depuis la création du prix 56 ans plus tôt, mais Arsène dit que les prouesses d’Iniesta à l’Euro 2012 en particulier auraient pu mériter une reconnaissance également.

De façon générale, le boss n’est pas un grand amateur de récompenses individuelles distribuées dans des sports d’équipe tel que le football. Cependant, il y voit des avantages à placer des mégastars du sport sur un piédestal. Ces modèles, affirme-t-il, peuvent inspirer les prochaines générations de joueurs, et en effet, c’est une tactique qu’il a utilisé lui-même.

Le Arsenal Magazine a posé des question à Arsène à propos du meilleur joueur du monde actuel, des grands joueurs ayant posé leurs mains sur le trophée et ceux qui l’ont seulement touché du doigt.

Lionel Messi vient de gagner le Ballon d’Or pour la quatrième fois d’affilée. Aurait-il eut votre vote ?

Non, pas cette année. Pour moi, Messi est certainement le meilleur joueur que j’ait vu sur un terrain, mais j’estime que cette année, il a vraiment été récompensé sur ce qu’il a fait individuellement plutôt que pour ce qu’il a fait pour l’équipe. Pour une fois, il n’a pas été dans une équipe qui a tout gagné. Il n’a pas gagné la Ligue des Champions, il n’a pas gagné la Liga et il n’a rien gagné avec son pays ; cependant, individuellement, il a achevé une année exceptionnelle, en marquant 91 buts. Je pense qu’il a été récompensé pour ça, mais je suis plutôt un amateur de sport collectif, donc je pense que des joueurs comme Casillas, Ronaldo, qui a gagné le championnat espagnol, et plus particulièrement Iniesta méritaient davantage le prix. Il finit toujours deuxième ou troisième, mais il a gagné l’Euro avec l’Espagne, il l’aurait mérité cette année.

Donc, bien que ce soit une récompense individuelle, vous pensez que les réussites et les performances collectives devraient être prises en compte ?

Oui, c’est un sport d’équipe donc le collectif devrait avoir un impact. De toute façon, je ne suis pas un grand amateur de récompenses individuelles dans le football au départ, mais lorsque des décisions de ce type. Je pense que ça devrait être le résultat d’un travail d’équipe aussi. Si le joueur est le meilleur de l’équipe qui a fait quelque chose de spécial, alors oui, il devrait gagner. C’est la raison pour laquelle j’ai voté pour Andres Iniesta.

Mais Messi l’a remporté à nouveau, et pour la quatrième fois, alors qu’il a juste 25 ans !

Oui, je sais, je ne conteste pas ce choix du tout, quel joueur exceptionnel ! Comme certains disent, il vient d’une autre planète. C’est certainement le meilleur joueur du monde, le meilleur que j’ai pu voir, et l’emporter pour la quatrième fois d’affilée est un exploit Il n’a que 25 ans donc il est promis à un futur fait de records qui ne sera probablement jamais battu.

Seuls quatre joueurs différents ont fini dans le Top 3 lors des quatre dernières années : Iniesta, Xavi, Ronaldo et Messi. Pourquoi pensez vous que ces quatre là semblent se détacher du reste ?

Parce qu’ils font partie d’une génération exceptionnelle au top de sa forme. Ils sont tous les quatre connus dans le monde entier, ils sont incontestés et ils gagnent tout. En ce moment, Barcelone a 16 points d’avance sur le Real Madrid, l’Espagne a gagné deux fois la Coupe d’Europe et la Coupe du Monde en 6 ans. Ce que sont capables de faire ces joueur est incroyable. La réussite a tourné en leur faveur. J’ai beau être un admirateur du jeu collectif, c’est vrai que lorsqu’on atteint de tels niveaux, la différence se fait avec des joueurs en particulier. Lorsque Barcelone et Real Madrid s’affrontent, 9 fois sur 10 la différence se fait par Messi ou Ronaldo. Lorsqu’un match atteint un tel niveau, alors ça veut dire qu’ils sont les meilleurs du monde.

Vous ne croyez pas vraiment en les récompenses individuelles par contre, pourquoi ?

Je crois en la performance individuelle et en les qualités individuelles mais pas en les récompenses. Je préfèrerais toujours voir l’équipe récompensée, c’est l’essence de ce sport.

Le Ballon d’Or est une institution vieille de plus de 50 ans. Pensez-vous que son organisation actuelle, c’est-à-dire : les coachs internationaux, les capitaines et les médias de tous les pays qui votent, est la meilleur façon de déterminé le vainqueur.

Pas nécessairement mais vous pouvez vous poser ces questions pour toutes formes de systèmes démocratiques. Aurons nous toujours celui qui le mérite le plus comme vainqueur ? Vous ne savez pas, mais ce que vous ne pouvez pas contredire, c’est que le vote appartient à des spécialistes. Ces gens là suivent les matches et connaissent le football. Il faut respecter ça..

Quels gagnants avez-vous admiré lorsque vous grandissiez, en regardant le football ?

Des joueurs comme Raymond Kopa, Alfredo Di Stefano, puis Johan Cruyff, Michel Platini et Marco Van Basten. Ces deux derniers l’ont gagné trois fois, mais aucun n’a réussi la quatrième. C’est la raison pour laquelle Messi devance déjà tout le monde à 25 ans et d’ici la fin de sa carrière, il sera encore plus en avance.

Pensez-vous que de donner des récompenses de ce style aident le joueur a marqué l’Histoire et aident les fans plus jeunes à apprendre des footballeurs des générations précédentes ?

Oui, et créer des modèles de cette façon est le bon coté de la chose. J’ai toujours pensé que si vous voulez devenir un bon joueur de football, c’est important que, dès le plus jeune âge, le coach identifie un modèle dont les jeunes puissent s’inspirer. Le coach leur dit : ‘tiens, tu peux devenir le prochain Zidane, Beckham ou Cruyff.’ C’est un rôle important du coach de trouver quelqu’un qui soit similaire au jeune joueur. Lorsque vous êtes jeune, vous imitez très facilement, vous regardez le joueur et vous voulez reproduire ses gestes, donc c’est un conseil important du coach. Dans ce sens, c’est important d’avoir des modèles.

Pensez-vous que les joueurs récompensés dans les années 60 ou 70 auraient eu le même succès de nos jours ? Certains se seraient-ils mieux adaptés au football moderne ?

Les seuls qui n’auraient pas pu jouer dans le football moderne sont ceux qui avaient des attributs physiques plus limités. Le football est devenu beaucoup plus physique depuis ces temps là. Mais tous les joueurs qui figurent sur cette liste étaient des grands joueurs à leur époque, ce quiveut dire que leur niveau technique, leur intelligence et leur vision du jeu étaient au niveau requis. Ce qui a changé, c’est l’intensité physique du jeu qui a changé. Ceux qui n’auraient pas pu assimiler ça n’aurait pas été brillants aujourd’hui. Mais pour être honnête, la plupart d’entre eux était très forts physiquement : Cruyff et Van Basten par exemple.

50 ans auparavant, les gens n’avaient pas la possibilité de voir les meilleurs joueurs du monde très souvent ou même pas du tout. De nos jours par contre, chaque match de Lionel Messi est télévisé, et les gens peuvent se faire leur propre opinion.

Oui, et pour moi, Pelé était LE meilleur joueur de tous les temps, probablement même le meilleur joueur de tous les temps, mais je n’ai jamais eu l’occasion de le voir jouer quand j’étais petit. Quand Mario Zagallo est venu ici, au centre d’entrainement, avec l’équipe nationale du Brésil, je lui ai demandé : ‘Vous avez joué avec Pelé, vous avez coacher tous les plus grands joueurs brésiliens, alors dites-moi, qui est le meilleur joueur brésilien que vous ayez vu ?’ Et il m’a tout simplement répondu : ‘Pelé’. C’est spécial quand ça sort de la bouche de Zagallo car il a joué et coaché les plus grands. Il m’a aussi parlé de Garrincha, qui n’est pas très connu en Europe, je me rappelle qu’il était un ailier droite connu, mais je ne le connais pas très bien.

Alors, quels joueurs vous rappelez-vous avoir regardé et alors sur lesquels vous avez formé votre opinion lorsque vous grandissiez en France ?

Raymond Kopa, qui était aussi connu sous le nom de Kopaszewski car en réalité, il était d’origine polonaise. L’histoire et le succès du football français a lien très proche avec l’immigration. Premièrement, ce furent les immigrants polonais qui travaillaient dans les mines de charbon, et la famille de Kopa en faisait partie. Ensuite, il y eut Platini, dont la famille italienne s’était installée en France pour y travailler. Il fût le deuxième succès de l’histoire du foot français. Enfin, le troisième succès nous est venu de l’immigration nord-africaine avec Zinedine Zidane. Quad vous y regardez de plus près, il y a un vrai lien avec l’immigration, et ces trois joueurs sont trois mégastars, purs produits du foot français.

La France a eu un gros impact en créant le Ballon d’Or, l’idée venant à l’origine du magazine France Football…

Oui, pour ça, on se doit de reconnaître le mérite de la France. Elle a créé de nombreux évènements sportifs de l’ère moderne. Elle a créé le Ballon d’Or, mais aussi les Coupes européennes. L’Angleterre a créé le jeu mais après ça, la France a créé la FIFA et d’autres trophées modernes.

Pensez vous que les joueurs donnent beaucoup d’importance aux récompenses individuelles ou ça dépend de l’égo du joueur ?

« Voyez-vous, je vous poserais cette question : ‘Est-il possible de devenir un grand joueur sans un grand égo ?’ Personnellement, je ne crois pas que ce soit possible. Quand vous êtes un jeune joueur de 20 ans, vous devez nourrir votre égo et le seul moyen de le faire est avec le succès.La confiance dans la vie se construit autour du succès et de la reconnaissance des autres. Les gens veulent être reconnus par les autres, pour savoir qu’ils ont les qualités. Quoi de mieux que de s’entendre dire par le monde entier : ‘Toi, mon ami, tu es le meilleur joueur du monde !’ ? Nous avons tous rêvé ça. Ca ne nous est pas arrivé mais c’est arrivé à Messi quelques fois ! »

Pensez vous que certains joueurs ont l’ambition de gagner la Coupe du Monde plutôt que de gagner le Ballon d’Or ?

Les chances de gagner la Coupe du Monde sont un peu déterminées par le pays où vous êtes nés, et ça, on ne peut rien y faire. Vous pouvez décider d’être le meilleur du monde mais si vous êtes né au Luxembourg… Même Messi ne serait pas champion du monde. Vous pourriez par contre jouer pour le meilleur club du monde et tout gagner avec un club et alors être nommé meilleur joueur.

Dans ce cas, pensez vous que la récompense avait une saveur différente pour des joueurs comme George Weah, George Best et Denis Law, qui n’ont pas eu l’occasion de gagner avec leur maillot national.

Je pense que si Messi ne gagne pas la Coupe du Monde, il se sentira toujours comme si il lui manquait quelque chose. Pourquoi ? Parce que l’Argentine l’a déjà gagnée, et la seule chose que les sceptiques arrivent à dire, c’est qu’il n’a jamais rien gagné avec l’Argentine, bien qu’elle ait gagné avant lui. George Weah, qui est né au Liberia, savait que ça n’arriverait jamais de toute façon, donc ce n’était pas un de ses rêves.

Habituellement, ce sont les attaquants magiques qui gagnent ce genre de récompenses. Pensez-vous que ce soit juste ?

Honnêtement, je pense que oui. J’ai joué à tous les postes moi-même, derrière, au milieu et devant et je sais que le plus difficile est à cet endroit là ! Derrière, vous pouvez vous en sortir en étant moyen, mais devant, il vous faut quelque chose de spécial. Je ne dis pas qu’avoir un bon défenseur n’est pas quelque chose d’important dans une équipe, mais le gars qui arrive à prendre le ballon au milieu du terrain pour aller marquer un but… Au plus haut niveau, c’est là qu’il faut un talent spécial..

Vous avez gagné beaucoup d’honneurs individuels dans votre carrière, ont-ils de l’importance à vos yeux ?

Pas vraiment, parce qu’en tant que coach, vous vous focalisez toujours sur le match d’après. Vous vous devez d’être un futuriste obsessionnel. Vous en voulez toujours plus et toujours mieux.. Donc, non, pour moi, il n’ont pas vraiment d’importance. Je ne nie pas non plus que je ressens un peu de fierté. Un vrai homme de sport se bat toujours avec lui-même pour se forcer à donner le meilleur de lui-même, c’est pourquoi il veut toujours s’améliorer.

A part les récompenses que vous avez reçu avec votre équipe, il y a-til des récompenses dont vous êtes particulièrement fiers ?

J’ai eu la chance d’être nommé Entraîneur de l’Année dans tous les pays où j’ai travaillé. Donc ça me laisse penser que j’ai montré de la qualité partout où j’ai travaillé. Donc je suis assez fier de ça mais dans notre métier, c’est toujours difficile de mesurer la part de notre contribution au succès. Par conséquent, lorsque vous êtes récompensés, ça veut dire que les gens autour de vous sont contents de ce que vous avez achevé. Avez-vous fait de votre mieux ? Vous ne savez pas, mais vous êtes récompensés pour avoir rendu les gens heureux, en gros, vous avez fait votre travail.. Mais j’échangerais tous ces titres pour des titres d’équipe. N’importe qu’elle récompense individuelle est une résultante de ceux-ci.

Les profiles des joueurs n’ont jamais été aussi gros. Pensez-vous que l’accent, précédemment sur le sport d’équipe, dérape vers de joueurs qui s’inquiètent de plus en plus de leur réussite individuelle ?

Oui. Disons que la société dans sa totalité est devenue plus individualiste. Si vous regardez l’histoire du football, quand j’étais joueur, nous étions liés aux clubs pour le reste de notre carrière, et nous étions vendus que si le club voulait vous vendre. De nos jour, le club n’est plus le maître des jeux. Vous avez des personnes qui planifient des carrières. Ils commencent quelque part dans un club pour se développer, puis, lorsqu’ils sont connus, ils changent de clubs. Avant, les joueurs voulaient faire partie d’un club pour toute leur carrière et réussir avec. Maintenant, ça ne marche que si les ambitions individuelles du joueur sont les mêmes que celles du club. Dès que celles-ci changent, le joueur veut partir quelque part d’autre.

Pensez vous que ces récompenses deviendront plus pertinentes dans le futur alors que les joueurs tentent de maximiser leur droit à l’image et leur valeur commerciale ?

Premièrement, je crois que le joueur veut d’abord gagner une récompense pour être reconu comme le meilleur du monde. Je ne crois pas que les aspects commerciaux ont beaucoup de signification dans la tête d’un joueur. Pour eux, ça veut seulement dire qu’ils sont aimés davantage, et que ce sont « vraiment eux et pas quelqu’un d’autre ». Mais lorsque vous êtes un joueur de foot et que vous rentrez à la maison et que tout le monde pense que vous êtes le meilleur, ça doit être un sentiment fantastique.

Mais vous pensez aussi à Ronaldo et à Iniesta parce que parfois, dans la vie, vous devez avoir la chance que quelqu’un d’autre meilleur que vous ne soit pas né en même temps. Vous pouvez dire que le gars qui arrive derrière Usain Bolt est quand même très rapide, et qu’il est un athlète fantastique, et qu’il pourrait battre n’importe qui d’autre sur terre, mais il n’a pas eu la chance d’être là au même moment que Usain Bolt. C’est la même chose pour Ronaldo, qui est une joueur absolument fantastique, mais qui semble malgré tout être derrière Messi lors des récompenses. Donc je compatis avec eux parce que je sais ce que ça représente pour eux que d’être reconnu par le monde entier à ce niveau.

Etait-ce le cas pour Thierry Henry également ? Il a fini deuxième et troisième. Est-ce que ça lui a fait du mal ?

Oui ça lui a fait du mal. Premièrement, il savait qu’il le méritait lui-même, et je pense à 100% qu’il le méritait également. Le fait qu’il ne le gagne pas était injustifié. En ce temps là, c’était toujours le Ballon d’Or France donc peut-être qu’ils étaient un peu plus durs avec les joueurs français qu’avec les autres !

(via arsenal.com)

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