Arteta, parcours et philosophie (partie 2/2)

 

 

En 2015, Arsenal se rend en Bavière pour affronter le grand Bayern Munich. L’équipe de Guardiola l’emporte 5 buts à 1. C’est après ce match que Guardiola suggéra à Arteta la possibilité de travailler ensemble, si jamais Pep se retrouvait à la tête d’un club anglais. A ce moment, Guardiola était déjà en négociations secrètes avec Manchester City pour remplacer Manuel Pellegrini. Il se trouve qu’il s’agissait aussi de la dernière saison d’Arteta en tant que joueur professionnel. Ce dernier est retourné à Munich plus tard dans la saison, voir comment Guardiola travaillait avec ses joueurs. Les deux hommes ont vite réalisé qu’ils étaient faits pour travailler ensemble.

Après tout, ils défendent tous les deux la même philosophie, celle qui a vu un Guardiola, 20 ans à l’époque, haranguer un Michael Laudrup, de 7 ans son ainé et star reconnue du ballon rond, en lui demandant de jouer simple, après que ce dernier ait dribblé 3 joueurs dans une zone dangereuse pour leur équipe. Laudrup a répondu, avec un clin d’œil, que c’était facile pour lui, tout en admettant que son jeune coéquipier avait raison, admirant son courage.

A Manchester City, Arteta avait son propre bureau dans le grand centre d’entrainement du club. Tout comme Guardiola, il n’avait pas peur de dire ce qu’il pensait. Cela était même encouragé par le basque, qui, après avoir vu un documentaire sur l’équipe de rugby des All Blacks de Nouvelle Zélande, était convaincu qu’il était bénéfique pour lui d’être entouré par des assistants qui expriment leurs pensées, plutôt que d’être toujours d’accord avec lui. Cela convenait tout à fait à Arteta, qui est tout à fait du genre à donner son avis.

Arteta appelait souvent les joueurs pour des entretiens individuels, car bien qu’il n’était pas spécialement familier avec ses coéquipiers, il l’est avec ses joueurs. Il a l’habitude d’en venir directement au fait, d’élever la voix si nécessaire, et le fait qu’il parle 6 langues différentes aide énormément. Il peut être cru parfois, là où Guardiola est plus réservé, mais tout ceci fait partie de la technique du bon flic/méchant flic qu’ils avaient mis en place tous les deux.

Une histoire remonte, lors du premier match de la saison 2017/2018, City affronte Brighton avec un Leroy Sané dans le rôle de piston, ce qui obligeait le talentueux allemand à effectuer un repli défensif bien trop important à son goût, qui a déclaré quelques temps après :

“Mikel est venu me voir et m’a dit : “Leroy, je sais que tu n’aimes pas ce poste, mais sois malin. Tu es encore jeune et tu as encore beaucoup à faire et à apprendre”. Je m’entends très bien avec Mikel, il a toujours raison. C’est quelqu’un de bien, et un grand coach. Il m’a donné beaucoup de conseils, on parle beaucoup de mon positionnement, de mes mouvements, comment trouver les bons espaces derrière les défenseurs, que faire avec le ballon, quand changer de rythme… Il est toujours là pour moi”.

Arteta a rejoint le staff de Guardiola au moment ou sa femme, Lorena Bernal, une actrice et présentatrice télé Argentine, travaillait à Los Angeles. La famille a été réunie depuis, mais pendant longtemps, Arteta a vécu seul, à 8 heures de décalage horaire et plusieurs milliers de kilomètres de sa femme et de son fils. Les amis qui venaient voir Arteta dans son appartement à Manchester étaient surpris par sa façon de vivre, avec des tableaux et des schémas tactiques sur les murs. La télé diffusait forcément un match de football, n’importe où dans le monde. Et si il n’y en avait pas, il repassait, à la manière de Wenger, un vieil enregistrement.

Arteta admet volontiers que ce n’était pas sain de vivre ainsi, loin de sa famille. C’était un sacrifice, un qu’il était prêt à faire. C’est le genre d’histoire qui permet de comprendre pourquoi ses coéquipier à Arsenal l’appelait le “chef”, et pourquoi certains d’entre eux avait du mal à créer des liens avec lui, ou même comprendre ce qu’il se tramait derrière ses yeux pénétrants.

Ce qui est certain, c’est qu’Arteta a construit sa philosophie en côtoyant deux des plus grand managers que la Premier League ait connue.

Lors de sa dernière saison à Arsenal, le site officiel du club lui a demandé d’imaginer le “Mikel Arteta FC”, et les idées qu’il y appliquerait : 

“Ma philosophie sera claire, dit-il. J’aurais tout le monde investi à 120%, pour commencer. Sinon, vous ne jouez pas pour moi. Lorsqu’il est temps de travailler, on travaille, et lorsqu’il est temps de se divertir, je suis le premier à le faire, mais l’engagement est primordial. Ensuite, je veux que le football pratiqué soit expressif, impressionnant. Je ne peux pas avoir une philosophie de jeu où tout est basé sur l’adversaire. Nous devons imposer le jeu, prendre les initiatives et surtout procurer du plaisir aux gens qui se déplacent pour nous voir jouer. Je suis convaincu à 100% de tout ça, et je pense que je pourrais le faire”.

En relisant cela aujourd’hui, alors qu’Arteta prends les rênes d’un club au 10eme rang de la Premier League, aussi proche du TOP 4 que de la relégation, le travail est important pour un coach qui a suivi l’influence d’Arsène Wenger pendant très longtemps.

Faire confiance à ses coéquipiers, voilà une phrase chère à Arteta. Car parfois, on peut être obligé de faire une passe difficile dans une zone dangereuse. Mais à ce moment précis, il ne suffit pas de trouver son coéquipier. Il faut jouer sur son côté préféré, son meilleur pied ou dans la zone où il aura le plus d’espace. “Parfois, juste envoyer le ballon dans les pieds d’un coéquipier n’est pas suffisant”.

Il y a également de plus petits détails. Arteta explique qu’une équipe qui fait des fautes inutiles ou donne des touches évitable peut facilement perdre le fil, et que ce fil est parfois dur à récupérer. Il dit à ses joueurs de ne pas se laisser attirer dans un jeu qui favorise l’adversaire. Il explique également qu’il est toujours moins fatiguant de jouer avec le ballon que sans : “Si vous conservez le ballon, l’adversaire va s’impatienter et devenir agressif. Cela va le forcer à sortir de ses positions, et c’est là que l’on peut trouver des espaces. La patience permet de faire la différence entre un bon joueur et un top player.”

Ce n’est pas un point de vue habituel pour un joueur d’une trentaine d’années, mais cela correspond à la façon dont Arteta a pratiqué le sport, depuis ses années de formation à Barcelone et au PSG (où il a rencontré un certain Pochettino, défenseur international à l’époque, qu’il considère comme un grand frère), puis aux Rangers et à Everton, avant de finir sa carrière à Arsenal.

Arteta a été nommé deux fois joueur de l’année à Everton, et a été tellement constant durant ses années sur les bords de la Mersey, qu’il semble plus que dommage qu’il n’ait jamais été appelé en équipe d’Espagne, même si cette équipe n’a jamais manqué de milieux talentueux. Arteta était de toute façon bien trop humble pour s’en indigner. Il était si populaire auprès des fans d’Everton que le site Blue Kipper a hacké les résultats d’un sondage de la Premier League pour l’élire comme le milieu de terrain le plus impressionnant de Premier League, devant un certain Cristiano Ronaldo.

Arteta a également devancé Steven Gerrard, cette fois-ci à la loyale, pour gagner le prix de la personnalité sportive de Liverpool en 2007, organisé par le Liverpool Echo. A cette occasion, on a pu constater son énorme humilité, lui qui n’avait pas préparé le moindre discours de victoire.

 

Mais lorsque l’opportunité de rejoindre Arsenal s’est présentée, lors du dernier jour du mercato d’été 2011, Arteta a fait une nouvelle fois preuve de ténacité. En effet, Arsenal s’est présenté très tard, juste après une terrible défaite 8-2 à Old Trafford face à Manchester United. L’offre du club londonien n’était pas particulièrement intéressante, et il n’y a même pas eu de visite médicale. Mais Arteta avait déjà décidé, il voulait le faire. Et ceux qui le connaissent savent que lorsqu’il a une idée en tête, il va au bout. Il aurait demandé en personne au président d’Everton, Bill Kenwright, de partir, ce dernier étant dépité de son départ, et maudissant Arsenal de se manifester si tard.

Arteta a appris l’anglais pendant ses années à Glasgow, et le parlait parfaitement à son arrivée à Arsenal. Il a découvert par la manière dure que le jeu anglais peut être beaucoup plus physique que ce qu’il a pu voir en Espagne ou en France auparavant. Avant un match face à Blackburn en 2008, ses coéquipiers d’Everton l’ont mit en garde, expliquant que les joueurs adverses allaient essayer de le faire sortir de son match. Et ils avaient raison, Arteta ayant un joueur adverse autour de la gorge à un certain moment.

Lorsqu’un derby de Manchester à Old Trafford en 2017 finit en bagarre entre les deux équipes, Arteta s’en est sorti avec le visage ensanglanté, frappé par une bouteille d’eau envoyée sur lui. Il a également été accusé de provoquer une dispute avec Lionel Messi lors d’un match face à Barcelone l’année précédente. Il serait de bon ton de garder un œil sur sa relation avec José Mourinho, surtout maintenant que les deux coachs sont les principaux protagonistes du derby du Nord de Londres.

Mourinho avait effectivement cité Arteta parmi les “pleureuses” de Wenger, quelques années auparavant pendant un match entre Chelsea et Arsenal. Tout cela dans le but à peine dissimulé de faire les gros titres et d’énerver l’Alsacien, son adversaire du jour et ennemi juré de longue date.

Mais Arteta pris la décision de ne pas l’écouter. Après tout, sa philosophie dicte que le meilleur moyen d’atteindre l’adversaire est de l’ignorer, manœuvrer et ainsi le surpasser.

 

 

propos originaux recueillis sur www.theathletic.com, traduit de l’anglais par Matthieu Rolland. crédits photo : Icon Sport

 

 

 

 

 


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