Boring Arsenal ?

“Pas particulièrement non”, “Non, sauf contre Newcastle”, “Début de saison compliqué dans le jeu”, “Parfois ça fait un peu penser à du handball”… Il y a quelques jours, on vous a demandé sur Instagram si vous preniez toujours du plaisir en regardant Arsenal. C’est en effet une question brûlante depuis le début de saison. Analyse.

 

Le pivot de la saison dernière

 

Retour un an et demi en arrière. 19 mai 2024, Arsenal s’offre le scalp d’Everton sur le score de 2-1 à l’Emirates lors du dernier match de la saison. Trois points anecdotiques, car malgré une seconde partie de saison presque parfaite, c’est bien un City qui n’aura laissé que des miettes qui arrache le trophée de Premier League, avec deux points de plus que les Gunners.

Une vraie déception, et un mini-traumatisme, tant les hommes d’Arteta semblaient si proches du Graal de la Premier League. Meilleure défense du championnat sur la saison, Arsenal avait su se montrer solide, mais avait manqué d’expérience et de pragmatisme, notamment au moment du Boxing Day. Avec une victoire, trois nuls et une défaite entre le 9 décembre 2023 et le 31 décembre 2023, les coéquipiers de William Saliba ont accumulé les erreurs coûtant des points précieux.


Offensivement flamboyant, avec la deuxième meilleure attaque du championnat sur cette saison, le constat établi par Arteta était simple : Arsenal doit être plus pragmatique. Moins chaotique, plus solide. Car l’objectif est inchangé comme il l’a déclaré au micro au milieu de l’Emirates, à l’issue du match contre Everton :
“S’il vous plaît, continuez à pousser, à inspirer cette équipe. Ne vous contentez pas de ça, car nous voulons bien plus que ça, et nous l’obtiendrons.”

Une question de détails, comme toujours dans le haut niveau. De petits éléments qui, mis bout à bout, ont coûté des points aux Gunners, comme l’avait avoué Ben White le 3 mars 2024 : “Nous avons énormément progressé en tant qu’équipe. Il faut contrôler ce que nous faisons, surtout les petites choses. Parce que les petites choses s’additionnent. C’est tellement serré que la moindre petite erreur va nous punir.”

Contrôler : voilà le nouveau mot d’ordre. Toujours plus de contrôle. Un pragmatisme poussé à l’extrême. Objectif : ne rien laisser à l’adversaire, l’asphyxier, lentement mais sûrement. Mais ça n’a échappé à personne, la saison 2024-2025 a été un vrai calvaire dans le contenu. Toujours meilleure défense du royaume, Arsenal n’a jamais eu réellement les armes pour lutter contre Liverpool, champion à l’issue de la saison dernière. Seulement quatre défaites, mais quatorze nuls pour les Gunners, qui ont fait preuve d’énormément de fébrilité en Premier League, malgré un excellent parcours en Champions League.

Les raisons, tout le monde les connaît : un mercato raté, des blessures en veux-tu en voilà, un coach sans solution. Une saison éprouvante, qui en a marqué plus d’un, y compris Arteta, comme il l’a avoué il y a quelques mois à l’issue de la saison : “J’avais un rêve, celui de ramener le trophée devant vous aujourd’hui, malheureusement on n’a pas été capable de le faire à cause de plusieurs circonstances. Mais veillez à ce que la poursuite de ce rêve ne vous rende pas perplexes sur le travail des joueurs et du staff. Nous devons poursuivre ce rêve avec enthousiasme et positivité la saison prochaine.”

 

Lire aussi : Sans solutions.

 

 2025-2026 : toujours plus pragmatique

 

Vous ne passerez pas

Au revoir Edu, welcome Berta. L’ancien directeur sportif de l’Atletico Madrid a, dès ses premiers jours, parfaitement compris le problème : Arsenal ne sera jamais champion avec un effectif si court. Compliqué pour Arteta de mettre en place son projet de jeu quand il doit bricoler tous les trois jours un onze de départ avec si peu de solutions sous la main.

Le premier chantier est bien sûr le chantier offensif, où Arsenal a clairement montré de grosses lacunes la saison dernière. Troisième meilleure attaque du championnat avec 69 buts, loin derrière le leader Liverpool avec 86 buts. Avec 1,58 xG généré par match sur la saison dernière en Premier League, Arsenal se plaçait derrière des équipes comme Brentford ou Crystal Palace — assez révélateur d’une incapacité à se créer des occasions et à peser sur les défenses adverses.


Avec presque 300 millions d’euros dépensés, le directeur sportif italien va bien évidemment renforcer l’attaque, mais également toutes les autres lignes. Le message est clair : Arteta a besoin de solutions pour parvenir à ses fins. Il sait que la clé de voûte d’une équipe qui va au bout, c’est la profondeur de l’effectif :
“Avec tout mon respect, la saison dernière, nous avions cinq joueurs issus de notre centre de formation qui n’avaient probablement jamais joué au football professionnel en Ligue des champions, donc oui, cela fait une différence.”

Défensivement, Arsenal est reparti sur des bases dantesques cette saison. Avec un calendrier très compliqué pour démarrer ce nouvel exercice, incarné par des déplacements à Old Trafford, Anfield ou encore Saint James’ Park, et des batailles à domicile face à Manchester City et Nottingham Forest, les Gunners prouvent depuis ce début de saison que les petites erreurs sont presque du passé, à quelques détails près. Trois buts encaissés en sept matchs de Premier League, et tout simplement zéro but encaissé en Champions League. Meilleure défense du championnat, et assez largement, les coéquipiers de Gabriel n’ont également subi que 4,3 xGA depuis le début de saison — aucune équipe n’a fait mieux en Premier League pour le moment.

 

“Ce n’est pas juste l’affaire de nos 4 défenseurs ou de David Raya. Ce sont nos habitudes, nous avons trouvé cette volonté de bien défendre. Bien sûr, en dominant avec le ballon, nous passons moins de temps à défendre. Globalement, je suis très content de notre travail.” – Mikel Arteta

 

Une défense clairement sur un rythme tonitruant, qui se connaît parfaitement, pragmatique et sereine. Pourtant, cette défense a déjà dû faire face à de premières blessures en ce début de saison — William Saliba, par exemple. Mais, là où la blessure de l’international français aurait été une catastrophe la saison dernière, l’arrivée et l’intégration parfaite du jeune défenseur espagnol Mosquera ont permis à Arteta de garder une très grande stabilité en défense, sans avoir à bricoler et changer les joueurs de poste pour compenser les blessures, comme c’était le cas la saison dernière.

Le niveau incroyable de Timber, qui ne laisse que des miettes au pauvre Ben White, qui peine à revenir sur le devant de la scène depuis sa blessure au genou, ainsi qu’un Calafiori qui, enfin, enchaîne les matchs, laisse l’impression que les Gunners sont tout simplement imprenables. Une extrême solidité voulue par Arteta, qui porte pour le moment ses fruits.

Et quand l’adversaire réussit à battre cette défense, il faut ensuite passer David Raya. Avec 2,57 tirs cadrés subis par match, personne ne fait mieux en ce début de saison en Premier League. Le portier espagnol culmine à 83,3 % d’arrêts. C’est simple : il occupe la première place dans ce classement.

 


Boring ?

Arsenal est excellent défensivement, ce qui engendre fatalement des critiques et des raccourcis, quitte à même inventer des narratifs pour décrédibiliser le travail réalisé depuis le début de saison. On a par exemple lu des “Park the Bus FC” après le match à Anfield, alors qu’Arsenal a dominé les Reds dans toutes les stats offensives du match (11 tirs à 9, 29 ballons touchés dans la surface adverse contre 16). 

En réalité, Arsenal a parfaitement défendu et attaqué lors de ce déplacement à Anfield, où les premières limites et failles de Liverpool, qu’on connaît actuellement, avaient été exposées au grand jour. Mais le magnifique coup franc de Szoboszlai a totalement changé le narratif de la rencontre, où les Gunners méritaient certainement mieux de ce déplacement chez le champion en titre.


Mais, là où le bât blesse, c’est qu’on attend que l’attaque d’Arsenal ait le même niveau qu’Arsenal défensivement. Et c’est bien normal, après une saison dernière très terne et ennuyeuse. Avec Gyökeres, Eze et Madueke qui ont intégré l’effectif, Arsenal doit élever son niveau offensif et intégrer tout ce beau petit monde.

Avec beaucoup de nouveaux éléments offensifs, dont certains titulaires, la mayonnaise doit prendre, les automatismes doivent se créer. Le constat est donc le suivant : les Gunners sont excellents défensivement, mais offensivement, c’est une équipe qui se cherche. Donc Arsenal a un style défensif. Le narratif est simple, et très largement exploité depuis le début de saison.

Mais dans les faits, ça donne quoi ? Arsenal est actuellement la deuxième meilleure attaque de Premier League avec 14 buts, un but derrière Manchester City. Comme écrit précédemment, la saison dernière avait été très faible offensivement, avec seulement 1,58 xG généré par match. Cette saison, les coéquipiers de Gyökeres culminent à 1,70 xG, derrière City, Palace et United. La progression est là, alors que Gyökeres est toujours en phase d’adaptation, Madueke, Havertz et Gabriel Jesus sont blessés, et Saka qui connaît de nouveaux pépins physiques.

Cependant, à la différence de la saison dernière, les Gunners sont très bien placés dans bon nombre de métriques offensives. Arsenal est l’équipe qui touche le plus de ballons dans la surface de réparation adverse, la deuxième équipe de Premier League avec le plus grand nombre de buts par match (2 buts par match en moyenne) et d’occasions de buts créées, et l’équipe qui a gagné le plus de corners.

 

“Les excuses n’ont jamais été importantes dans ma vie. Ce que je veux c’est gagner des trophées importants avec ce club” – Mikel Arteta 

 

À titre d’exemple, aucune équipe anglaise n’a remporté autant de matchs par trois buts d’écart ou plus qu’Arsenal, toutes compétitions confondues (26 matchs) depuis la saison 2023-2024.

Wayne Rooney, ancienne gloire de Manchester United, était d’ailleurs revenu sur le style des Gunners il y a quelques jours : “Je n’aime pas Arsenal, mais je préférerais qu’Arsenal gagne la PL plutôt que Liverpool. J’aime ce que fait Arsenal. Ils sont difficiles à battre. Ils ne concèdent pas de buts. Quelque chose est en train de se passer.”

En revanche, Arsenal est la dernière équipe de Premier League sur le taux de tirs cadrés. Avec seulement un quart des tirs des Gunners cadrés, cette statistique peut évoquer un début d’explication sur le goût d’inachevé que peut engendrer le jeu des coéquipiers de Saka.

On pense par exemple à l’occasion d’Eze face à West Ham, qui envoie le ballon dans les tribunes à cinq mètres du but, ou encore à la tête de Martinelli contre l’Olympiakos, qui passe à côté alors que l’attaquant brésilien était à trois mètres de la ligne de but adverse. De grossières occasions manquées, qui auraient pu et dû ajouter de la sérénité dans le reste des matchs.

 

Loading poll …

 

Offensivement, Arsenal montre donc des signes de progression dans son jeu, impulsés par les recrues Madueke, auteur d’un très bon début de saison avant sa blessure, et Gyökeres, très attendu après son gros transfert cet été. Meilleur buteur du club pour le moment (3 buts en 7 matchs de Premier League). L’attaquant suédois, qui a connu des débuts difficiles, commence à montrer des signes de progrès, comme l’a martelé Arteta après le match contre Newcastle : “J’ai adoré son match. J’ai vraiment adoré sa façon de réagir. Il s’est lancé, sans jamais montrer le moindre signe de frustration. Je lui ai dit qu’il allait obtenir certaines décisions, d’autres non, qu’il devait se battre, qu’il allait souvent se retrouver entouré de deux ou trois joueurs, que le ballon serait dans les airs et qu’il allait se passer beaucoup de choses.”

 

Lire aussi : Ebecheri Eze : welcome home

 

Mais, comme le jeu offensif des Gunners, l’attaquant suédois laisse pour le moment encore un goût d’inachevé dans sa façon de mener l’attaque des Gunners. Mais l’aventure ne fait que commencer, du temps doit lui être accordé.

Fatalement, l’hyper-solidité des Gunners, couplée à une attaque en rodage mais qui montre des signaux positifs, amène à ce goût d’inachevé, voire de déception, à l’issue de certains matchs. L’impression qu’Arsenal contrôle le match, sans se mettre en danger, sans réussir à tuer un match malgré une très nette domination.

Le bon équilibre tactique et la bonne intégration des nouveaux éléments sont des clés pour gommer ce sentiment. Une flexibilité tactique impossible la saison dernière, tant l’effectif était court et le nombre de blessures démentiel. Cette saison, la donne est différente pour Arteta. Des possibilités, il en a, et on sent que le coach espagnol n’hésite pas à essayer des choses pour trouver le bon équilibre. Avec un milieu Rice – Zubimendi – Ødegaard bien installé depuis le début de saison, qui répond parfaitement à sa logique de contrôle et d’approche pragmatique, il n’a pas hésité à aligner un milieu Eze – Rice – Ødegaard contre West Ham, preuve qu’il est également capable de montrer beaucoup plus d’ambitions offensives que d’accoutumée.

On l’a également vu essayer Madueke à gauche comme à droite, tout comme Eze qui a aussi évolué sur l’aile gauche depuis son arrivée. Dowman a également connu ses premières minutes sur l’aile droite. Les bons débuts de saison de Martinelli et Trossard, tous deux décisifs depuis le mois de septembre, donnent encore plus de possibilités et de flexibilité tactique à l’ancien adjoint de Pep Guardiola.

 

Le bon équilibre

 

C’est pourtant vrai que le goût d’inachevé est là. Pourtant, Arsenal gagne, avec une seule défaite depuis le début de saison dans le contexte du calendrier expliqué précédemment.

Il est évident que la dépendance aux coups de pied arrêtés joue un gros rôle dans ce sentiment d’inachevé. Une majorité de buts inscrits sur corners — 36 buts sur corners depuis la saison 2023-2024 — c’est 15 de plus que Chelsea et Tottenham. Des buts sur corners qui ont parfois sauvé les Gunners de matchs très compliqués, où Arsenal n’était pas au niveau, comme lors du premier match de la saison à Old Trafford.

Mais la vraie question est : est-ce qu’Arsenal a besoin de faire plus ? Comme vu précédemment, les Gunners ne concèdent rien, dominent, asphyxient lentement leur adversaire tel un boa constrictor. Pragmatique. En contrôle total. On serait en droit de s’interroger si on observait une équipe se donner à 100 % et se cramer physiquement tous les trois jours, pour un goût d’inachevé.

Ce qui n’est pas le cas cette saison. Prenons l’exemple de Saint James’ Park, un des déplacements les plus périlleux de la saison, qui ne réussit presque jamais aux Gunners. Arsenal a voulu élever son niveau de jeu, et l’a fait, car le scénario du match l’imposait : 2,04 xG générés, quatre grosses occasions, vingt tirs et 43 ballons touchés dans la surface adverse. Une victoire arrachée au mental, face à une équipe de Newcastle qui n’a sûrement pas eu l’habitude d’autant subir à domicile. Une victoire de champion ?


Mais est-ce que cette équipe doit être poussé dans ses derniers retranchements à chaque match ? La réponse est non. Arsenal est au-dessus, même avec un rythme de sénateur. Il faut apprendre de la saison passée. Des joueurs cramés physiquement, des blessures en cascade, et mentalement à bout de nerfs, symbolisés par six cartons rouges reçus en Premier League sur l’exercice précédent. La Premier League est un marathon, pas un sprint.

Attention cependant à ne pas tomber dans la facilité. On a trop souvent connu des Gunners excellents face à leurs concurrents directs, mais piégés par des équipes plus “faibles”. West Ham ou encore Fulham : Arsenal ne peut plus reproduire les erreurs des saisons passées. Gérer quand il faut, accélérer quand il faut, élever le niveau de jeu si nécessaire — les coéquipiers de William Saliba ont maintenant tout le vécu et l’expérience pour ne plus tomber dans ces matchs pièges.

En tant que fan, est-ce légitime de réclamer plus de spectacle ? Absolument. Pour autant, la pression sur Arteta est maximale : le besoin de trophées pour valider le “process” devient une priorité, presque mystique. Si cet Arsenal version 2025-2026 nous offre la Premier League, aurons-nous le même regard sur son style de jeu ?

 

 

Certes, Arsenal n’est pas un rouleau compresseur offensif, malgré ses nombreuses recrues offensives. Une énorme stabilité défensive, un contrôle total du jeu, une approche toujours plus pragmatique. Arsenal n’est peut-être pas spectaculaire. Mais si l’ennui mène au titre, qui osera encore s’en plaindre ?  

@LouisAFC


Publié

dans

par

Étiquettes :