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Devoir de mémoire #1 : Ian Wright, le persévérant
Arsenal French Club profite de l’intersaison pour faire son devoir de mémoire. N’avoir jamais vu jouer certaines légendes de son club est simplement une question d’âge, les oublier est en revanche interdit. Dans cette série d’articles, AFC va revenir sur une génération de joueurs marquants, de la fin des années 1980 au début des années 2000, pour ceux qui n’ont pas pu les voir jouer, et afin de les honorer. Pour ce premier épisode, présentation du deuxième meilleur buteur de l’histoire du club : Ian Wright !
En 1991, on peut avoir 28 ans, près de 300 matchs joués chez les pros, et surprendre tout le monde tel un jeune qui vient de sortir de l’Academy. Le 28 septembre de cette même année, pour sa première rencontre de Premier League (First Division à l’époque) avec le maillot d’Arsenal, Ian Wright inscrit un triplé sur la pelouse de Southampton dans une victoire 4-0 des siens. Trois buts résumant parfaitement ses qualités : vif, opportuniste et clinique. “Être là avec Rocky (David Rocastle), deux garçons de Brockley et qu’on marque tous les deux, c’était la journée parfaite,” déclara-t-il après la rencontre. D’autant plus parfaite que rien ne le prédestinait à devenir un jour le meilleur buteur de l’histoire d’un des meilleurs clubs du Royaume.
Originaire de Brockley donc, un quartier populaire de Londres, son enfance n’a rien d’idyllique. “Nous partagions une maison avec une autre famille. Moi, Maurice [son frère aîné], ma mère et mon beau-père vivions tous ensemble dans une seule pièce,” expliquait-il à la BBC (citée par Onze Mondial). À cela s’ajoute des violences familiales, qui rendent l’atmosphère à la maison difficile à supporter : “Je me sentais impuissant. Mon beau-père tenait ma mère par le cou contre le mur. Je me suis senti impuissant parce qu’elle était impuissante et essayait de demander pardon. Quand je partais me coucher, je n’arrivais pas à chasser de mon esprit cette image,” dévoilait-il. Effet domino ? Ian Wright subit à son tour les coups de sa mère, qui lui balance qu’elle aurait préféré avorter.
Passage par la case prison
Il trouve alors une échappatoire : le rectangle vert. Mais là encore, il ne va pas emprunter la voie royale. Contrairement au regretté David Rocastle (qui aura également droit à son devoir de mémoire), lui aussi issu de Brockley et qui a rejoint Arsenal dès ses 15 ans, Wright végète chez les amateurs et ne parvient pas à passer le cap chez les pros. Alors il travaille sur les chantiers, comme ouvrier puis comme plâtrier. Il fait aussi de la maintenance à l’usine, afin de subvenir à ses besoins et ceux de sa copine, qui attend un enfant. Il fait des essais à Millwall, WBA ou encore Brighton, mais on ne lui propose jamais de signer le bout de papier qui lui servira de contrat. Le tournant intervient en 1982. Alors âgé de 19 ans, il se fait arrêter en conduisant une voiture sans permis et sans assurance. Refusant de payer l’amende, il passe donc quelques jours en prison. “J’ai dit que je ne reviendrais plus jamais dans un endroit comme ça,” expliquait-il en 2016.
Pour s’en sortir, il est aidé par sa persévérance que lui a transmise son grand frère Maurice dès son plus jeune âge. “Quand il me disait : ‘tu ne sais pas tirer avec ton pied gauche’, je prenais une balle de tennis et je m’entraînais contre un mur,” décrit Wright dans The Players Tribune. Et ainsi de suite pour son jeu de tête, les reprises de volée ou le jeu en une touche. Une des raisons de sa très bonne qualité technique, grâce à la fameuse école de la rue, ou plutôt des terrains d’Hilly Fields, ou il passait tout son temps libre enfant. Sans cette envie de toujours se surpasser, il n’aurait peut-être jamais marqué 185 buts à Arsenal. À force d’abnégation, il est repéré par Crystal Palace lors d’un tournoi. Il foulera la pelouse de Selhurst Park de 1985 à 1991, connaissant la montée en First Division et une finale de FA Cup. Ses 118 buts en 277 matchs tapent dans l’œil des dirigeants d’Arsenal qui le chipent à leur voisin contre 2,5M£.
“Battre le record, c’était au-delà de mes rêves”
Quand il déménage dans le Nord de Londres, Ian Wright est très loin de s’imaginer qu’il va battre le record de Cliff Bastin, meilleur buteur du club avec 178 pions marqués avant la deuxième guerre mondiale. Peut-être ne sait-il même pas qui est-il. Il détaille alors dans une interview accordée à Canal+ :
“Quand j’ai signé à Arsenal, je ne songeais pas à battre des records. Je pensais à intégrer l’équipe et à faire bonne figure pour être vu comme un grand joueur dans un grand club. Alors finir par battre le record de buts dans un club comme Arsenal, c’est un rêve qui se réalise. Je ne m’y attendais pas, je voulais juste travailler dur, rester dans l’équipe et l’aider à progresser et à gagner. Finir par battre le record, ça a été plus qu’un rêve. C’était au-delà de mes rêves.”
Comme souvent lors de son passage à Arsenal, quand il performe c’est toujours avec la manière, et il bat ce record lors grâce à un triplé inscrit face à Bolton à Highbury, en 1997. Just done it.
Mais contrairement à Cliff Bastin, sa nouvelle marque ne tiendra pas plus d’un demi-siècle, la faute à un prodige français qui débarquera un an plus tard à Arsenal.
“Je savais qu’avec lui mon record était menacé car il marquait énormément et jouait fantastiquement bien. Mon record devait tomber avec un joueur de cette envergure, c’était facile à accepter. Il n’y a aucune honte à avoir de passer 2e avec la carrière qu’il a eu. J’étais heureux pour lui. Je lui ai parlé le jour même, je crois qu’il jouait à l’étranger (NDLR : à Prague en C1). Ça aurait été super pour lui si ça avait eu lieu à Highbury. Je lui ait envoyé un message pour le féliciter et je lui ai remis la statue en bronze ensuite parce que j’étais sacrément ravi pour lui.”
Et Henry de lui rendre hommage : “Wrighty était un grand joueur et sera toujours une légende à Arsenal. Battre son record c’est énorme.”
“Wenger est un homme incroyable, un homme incroyable”
Lors de son passage à Arsenal, Wright est un tueur devant le but. Dès sa première saison, il termine Golden Boot devant… Gary Lineker, joueur de Tottenham. 29 buts inscrits (5 avec Palace et 24 avec Arsenal), et un dénouement plein de réussite. Il inscrit un triplé lors du dernier match face à… Southampton, encore, dont deux pions dans le temps additionnel. “Je pense que j’étais destiné à le gagner (le Soulier d’or), le ballon est sorti de mon tibia et est entré (but à 1’24”)”, se souvenait-il 20 ans plus tard.
Wrighty n’a pas besoin de temps d’adaptation et convainc tout de suite le coach de l’époque, George Graham. “Ian a illuminé le terrain et le vestiaire avec l’électricité de ses performances et sa personnalité,” avouait le prédécesseur d’Arsène Wenger dans son autobiographie. L’exercice 1992/1993 est celui des premiers titres, avec le doublé FA Cup-League Cup. L’attaquant anglais inscrit 15 buts en autant de rencontre sur les deux tableaux et découvre la joie de soulever des trophées en étant décisif en finale. Il enchaîne, score 38 buts en 1993-1994 et 39 en 1994-1995, ses meilleures saisons d’un point de vue statistique. C’est aussi l’idylle d’une Coupe d’Europe, la C2, remportée en mai 1994 face à Parme (1-0). Le deuxième, et toujours dernier, trophée européen du club qui sera suivi d’une déception l’année suivante avec une défaite en finale de cette même compétition, à la dernière minute face au Real Saragosse, malgré un but de Wright un peu plus tôt.
La fin de son parcours chez les Gunners est aussi marqué par l’arrivée d’Arsène Wenger, qu’il va côtoyer pendant deux saisons. Le début d’une professionnalisation toujours plus importante voulue par le Français qui ne laisse rien au hasard, à commencer par l’alimentation. Ian Wright préfère en rire aujourd’hui. “J’étais dévasté. Vous parlez d’un gars noir qui a besoin de nourriture assaisonnée. Pas de sel, rien. Tout ce que nous pouvons faire, c’est boire de l’eau et manger de la nourriture comme si le poulet était littéralement bouilli.” Et de continuer de dérouler une anecdote de chambre dans The Graham Norton show, où Dennis Bergkamp semblait plus assidu que lui aux méthodes du professeur :
“On ne pouvait pas boire de thé. Je me souviens que j’ai glissé des sachets de thé dans mon sac. Dennis était juste sur le lit, regardait la télé, et il a dit ‘ce sont des sachets de thé ?”oui’. ‘Mais le patron ne veut pas qu’on boive du thé’. ‘Oui mais il ne le saura pas.’ Et Bergkamp m’a dit : ‘Ok donc toute l’équipe le fait mais tu ne vas pas le faire. Lorsque nous avons le plus besoin de toi, tu vas probablement nous laisser tomber. Et tu nous laisses tomber.’ Donc, au final, je n’ai pas pris le thé, parce qu’en fin de compte, ce que nous avons fini par faire avec cette équipe, grâce à Wenger, c’est parce que nous adhérons à ce qu’il voulait que nous fassions. C’est un homme incroyable, un homme incroyable.”
La sélection, son rendez-vous manqué
Finalement, les méthodes du Français paient et permettent à Wright et remporter son premier, et unique, titre de champion d’Angleterre, en 1998 et à presque 35 ans. La boucle est bouclée. Enfin presque. Car malgré 33 matchs et 9 buts avec la sélection anglaise, sa relation avec les Three Lions était basée sur un “je t’aime moi non plus.” Malgré quelques apparitions, il n’est pas retenu avec le groupe pour l’Euro 1992. L’Angleterre manque ensuite la qualification à la Coupe du Monde 1994 et Wright n’est pas retenu pour l’Euro 1996, alors qu’il est dans une forme étincelante. “J’ai été viré de l’équipe d’Angleterre parce que le sélectionneur pensait peut-être que j’allais contre lui, que j’étais rebelle, à cause de la façon dont je m’habillais,” balançait-il à GQ. Arrive alors la Coupe du Monde 1998, sauf que quand ça ne veut pas… Épargné pendant sa carrière, il se blesse et ne peut donc pas participer au Mondial en France.
Toujours amoureux du club
Après son départ d’Arsenal à l’été 1998, il connaît quelques piges à West Ham, Nottingham Forrest, le Celtic Glasgow et Burnley. C’est avec les Clarets qu’il dispute son dernier match chez les pros, en deuxième division, en mai 2000. Il songe alors à s’asseoir sur un banc : “avant ma retraite, je pensais à passer mes diplômes d’entraîneur, mais ce que je faisais à l’époque m’a éloigné du football. Plus ça va, plus je vois que ce n’est pas fait pour moi.” Ce sont finalement les médias qui lui tendent les bras où son côté souriant et bout-en-train est apprécié de tous. “Gagner ma vie en jouant au foot puis en parlant de foot. C’est vraiment ce qu’il me convient. Je n’aimerais rien faire plus que ça.“
Il est aussi toujours très investi pour le club, ne cache pas son amour pour les pépites d’Hale End et n’hésite pas à poster pour les différentes campagnes commerciales. La vie de rêve finalement pour un homme qui n’a pas connu le cursus classique pour être footballeur et pourtant devenu une légende de deux clubs historiques de Londres.
Plutôt que de trouver une chute tirée par les cheveux, que Ian Wright n’a de toute façon plus depuis bien longtemps, je préfère plutôt vous laisser avec un de ses buts, le plus beau à mon goût. Un lob de 30 mètres pleine lucarne inscrit lors du Boxing Day face à Swindon, que George Graham a décrit après le match comme “un moment de génie.”
Et puis inventer une chute n’aurait servi à rien car de toute façon Ian Wright n’aimait pas ça. Puisqu’il se relevait toujours.
Propos issus d’une interview de Ian Wright sur Canal+, de The Players Tribune et mentions.
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