Devoir de mémoire #4 : Tony Adams, Mister Arsenal

Homme d’un seul club, Tony Adams aura porté le maillot d’Arsenal pendant presque vingt ans. Un club qu’il mènera au sommet du football anglais pendant trois décennies. Très jeune, le brassard de capitaine lui a été confié, malgré un style de vie haut en couleur, il ne le perdra jamais. Gagnant dans l’âme, il s’impose toujours comme la référence du parfait Gunner.

Baby Gunner

Originaire de Romford dans la banlieue de Londres, il est très vite repéré alors qu’il joue pour son équipe de district. Plusieurs clubs lui font les yeux doux tels Manchester United ou West Ham. Mais son coup de coeur est pour Arsenal. Il intègre l’académie simultanément à David Rocastle, Michael Thomas et Martin Keown.

À quatorze ans, il signe son premier contrat, à Colney, dans les toilettes du centre d’entrainement. À cette époque-là, l’apprentissage était vraiment différent de ce que l’on peut voir aujourd’hui. Les journées se finissaient en général à nettoyer les vestiaires d’Highbury pour l’équipe première. Les standards étaient autres, ainsi naissent les légendes. Adams jouera son premier match professionnel en 1983, contre Sunderland. 

Le “Famous back four”

Très vite, le succès frappe à sa porte. George Graham reprend les rênes d’un club mal en point en 1986. En effet, ils n’ont plus remporté de trophées majeurs depuis la FA Cup de 1979. Mais cela change rapidement, à peine un an après son arrivée, l’entraineur écossais soulève la League Cup. Cette année-là, Adams remporte le titre convoité de “Young Player of the Year”. Sans le savoir, il ouvrira la voie à un autre enfant du club qui recevra la même distinction en 2023, Bukayo Saka. Il est nommé capitaine cette année-là.

À cette époque, Liverpool domine la ligue de la tête et des épaules. Afin de détrôner les Reds, Graham constitue alors une défense de fer, que l’on surnommera le “Famous back four”. Cette défense imperméable est constituée de Tony Adams, Nigel Winterburn, Lee Dixon (qui jouera au côté d’Adams jusqu’en 2002) et de Steve Bould (qui intégrera plus tard l’équipe managériale du club). La fin de saison se joue à tombeau ouvert entre les Reds et les Gunners mais un évènement tragique met rapidement un frein à l’effervescence. Au mois d’avril, lors d’un match de Cup entre Nottingham Forest et les Reds, 97 supporters perdent la vie au cours d’un mouvement de foule. Le pays est en deuil.

Malgré cela, le football continue. Les deux équipes se rencontrent le 26 mai 1989 à Anfield, pour la dernière journée du championnat. Pour remporter le titre, Arsenal doit gagner avec deux buts d’avance. Ce sera chose faite grâce à Michael Thomas. Dix-huit ans après le doublé de 1971, Arsenal est champion d’Angleterre.

Un sérieux palmarès

Sous les ordres de George Graham, Tony Adams remporte six trophées majeurs, dont une coupe d’Europe (la deuxième et dernière de l’histoire du club). Lors de la saison 1993-1994, Arsenal participe à la coupe d’Europe des vainqueurs de coupe. Après avoir sorti le PSG en demi-finale, le club affronte Parme en finale. Les Italiens partent favoris, ils comptent dans leurs rangs les redoutables Thomas Brolin, Faustino Aprilla et Gianfranco Zola. Mais Arsenal s’empare du titre grâce au but d’Alan Smith à la vingtième minute. Surprise! Le back four de 1989 est toujours titulaire.

Après une période un peu tumultueuse, qui aura vu l’entraineur écossais quitter le club, Arsène Wenger pose ses valises en Angleterre. Quasiment inconnu à l’époque, il est peu dire que l’arrivée de l’Alsacien fut perçue avec beaucoup de scepticisme, en particulier de la part de Tony Adams. En plus de cela, le nouveau venu recrute un contingent important de joueurs étrangers (Français?), n’ayant pas encore fait leurs preuves.

Néanmoins, une relation de confiance est vite mise en route. Lors de la saison 1997-1998, l’état physique du joueur est loin d’être au mieux: dos, genoux, cheville, tout est fragile et cela se ressent dans les performances. Les critiques pleuvent sur le niveau de Tony Adams et beaucoup lui prophétisent une retraite rapide. Le joueur s’ouvre complètement à son coach. Arsène préconise alors un break hivernal et envoie Adams en soin dans le sud-est de la France accompagné d’un ostéopathe. A son retour, il est petit à petit réintégré et reprend son rôle de skipper, poussé par son coach à réaffirmer sa position de leader. Printemps 1998, Arsenal remporte le doublé Cup-Championnat. Ils remettront le couvert en 2002, quelques semaines avant que Tony Adams tire sa révérence.

Addicted

Pendant sa carrière, Tony Adams aura eu deux addictions: le football et l’alcoolisme. Les faits d’armes extra sportif du joueur furent bien relayés par les tabloïds friands de ce genre d’histoires. En 1990, au sortir d’un barbecue entre amis et quelques heures avant de s’envoler avec son équipe pour le tour de pré-saison en Asie, Adams encastre sa voiture dans une maison de voisinage. Il passera quatre mois en prison. Quelque temps plus tard, bien éméché en boîte de nuit, il dévale les escaliers et finit avec vingt-neuf points de suture au visage. Lors d’un diner au Pizza Hut local, accompagné de Ray Parlour, il surprend ses voisins de table (supporters de Tottenham) se moquer de lui et le traiter d’âne (son surnom de l’époque chez les fans adverses). Qu’à cela ne tienne, le duo dégoupille un extincteur et le vide sur les malotrus.

Adams avait la faculté de planifier ses séances de beuverie afin d’être apte pour reprendre l’entrainement le lundi ou mardi. L’alcool aura bon dos, célébrer une victoire ou noyer la tristesse de la défaite. Arsène Wenger lui avouera plus tard qu’il n’a jamais compris comment il avait pu infliger à son corps tant de sévices tout en restant au plus haut niveau.

Cette addiction aura duré de la fin de l’adolescence jusqu’à l’été 1996.  Après une triste finale de l’Euro disputée à Wembley, qui voit l’Angleterre perdre aux tirs au but face à l’Allemagne, le joueur part alors dans une longue virée solitaire de six semaines, qui le voit s’échouer en pleurs sur le comptoir collant d’un pub Londonien. Cette dépendance lui aura couté son mariage et lui aura fait manquer de nombreux moments avec ses enfants. C’est alors qu’il décide d’affronter la réalité, et d’assister à sa première séance aux alcooliques anonymes. En 1999, son autobiographie, Addicted, est publiée. À ce jour, il n’a pas retouché une goutte d’alcool.

 

Tony Adams

Un meneur d’hommes

Tony Adams aura porté le brassard de toutes les équipes dans lesquelles il a évolué. Il est toujours à ce jour le seul capitaine ayant remporté le titre de champion d’Angleterre dans trois décennies. Malgré ses frasques personnelles,  il aura su garder la confiance de ses entraineurs.

Adams est un leader né, il n’a jamais hésité à bousculer ses partenaires afin de les transcender. Dennis Bergkamp aura mis du temps à trouver ses marques, Adams lui lancera un jour : « Dennis, ça fait deux et demi que tu es là et tu n’as rien gagné, il serait temps de s’y mettre non ? Ça serait dommage avec ton talent ! ». Patrick Vieira en prendra aussi pour son grade durant ses débuts au club, ses co-équipiers lui reprochant de ne pas s’entrainer assez dur, le capitaine délivrera le message.

Possédant de tels attributs, il n’était pas une surprise que Tony Adams se dirige vers une seconde carrière d’entraineur. Celle-ci sera en revanche beaucoup moins reluisante que celle de joueur. Il entrainera en Angleterre (Wycombre Wanderers et Portsmouth), en Hollande, en Azerbaïdjan puis finira sa carrière à Grenade. Lors de ce dernier exercice il reprend un club mal en point, qui sera finalement relégué après six saisons en Liga.

Tony Adams reste un personnage très apprécié du public. Il est régulièrement vu à la télévision anglaise traitant différents sujets, footballistiques ou non. Son empreinte sur le club est indélébile, il fait partie de ceux qui auront porté haut les valeurs d’Arsenal, avec 669 apparitions et 48 buts. À l’Emirates, il a sa statue, faisant de lui un immortel. Il est ironique de voir qu’un peu plus de vingt ans après sa retraite, Arsenal possède à nouveau un rideau de fer devant ses cages, nous rappelant quelque peu le « Famous back four ». Long live Tony Adams !

#AFC

Jonathan


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