Les évolutions tactiques de Mikel Arteta

En peu de temps sur le banc d’Arsenal, Mikel Arteta a déjà fait l’étalage de préceptes tactiques bien définis. Surtout, le jeune entraîneur espagnol a su réarticuler l’effectif en fonction de ses forces et remettre à flot des joueurs en difficulté.

Le temps a fait son œuvre dans le Nord de Londres, et après de longs mois d’errance sous la houlette d’Unai Emery, puis celle d’un Freddie Ljungberg intermittent, voilà qu’un Mikel Arteta sorti de l’œuf redonne un semblant de fougue aux Gunners. L’urgence du résultat, qui n’est plus une préoccupation de la direction depuis bien longtemps, semble également avoir désertée les travées de l’Emirates Stadium. Ou du moins, reléguée au second plan, dissipée par les promesses d’un football retrouvé. Et c’est une aubaine pour le jeune entraîneur, qui aura besoin d’autant de temps et de sérénité pour inculquer ses idées que pour progresser en tant que technicien.

Tactiquement, Mikel Arteta semble être le parfait compromis entre ses deux prédécesseurs : moins élastique qu’Unai Emery, mais aussi moins borné qu’Arsène Wenger. Les premières semaines de son ère ont ramené quelques fragments du football révolutionnaire de Pep Guardiola en même temps que l’épicurisme footballistique des supporters d’Arsenal. Trop tôt pour crier au génie, mais tout laisse à croire que l’ancien milieu de terrain est l’homme de la situation. Entre autres parce que ce dernier a eu la capacité de cerner dans un temps record les qualités et les faiblesses de ses hommes pour définir son système, son animation et instiller ses principes de jeu. Et par la même relancer certains joueurs que l’on pensait inadéquats à Arsenal, voire à la Premier League.

Une animation des ailes variée

L’exemple le plus criant est probablement Granit Xhaka. Trop friable, pas assez mobile, trop de fautes, pas assez d’influence… Jusqu’alors, le milieu suisse a interrogé, frustré, énervé, mais trop rarement satisfait. Plutôt que de l’exposer, seul dans l’axe du terrain où, dès lors qu’il est pressé, Xhaka déjoue, Arteta l’a réinventé avec et sans le ballon. Le natif de Bâle, grâce à ses déplacements, ouvre des lignes de passes à ses coéquipiers. Avec ce mécanisme, vu et revu lors des premiers matches : Xhaka coulisse sur la gauche de la défense – souvent lorsque David Luiz a le ballon – et permet à son latéral de monter sans être suivi par l’ailier adverse. Dans le même temps, Aubameyang rentre vers l’intérieur du jeu et aspire son vis-à-vis vers l’axe, laissant un boulevard à Kolasinac et faisant apparaître une structure en 3-2-4-1 (voir ci-dessous).

Notons que les deux derniers évoqués suscitaient, à l’instar de Xhaka, quelques questions : comment faire évoluer Aubameyang avec Lacazette sans le brider ? Comment tirer le meilleur de Kolasinac, qui est à la base un latéral de 3-5-2 nécessitant de grands espaces devant lui ? Arteta a répondu à ces deux interrogations dans l’animation de son aile gauche. Résultat : le Gabonnais ne marque pas moins malgré sa position excentrée (3 buts en 4 matches) et le Bosnien n’a jamais été aussi dangereux offensivement et protégé défensivement.

À droite, les premiers matches contre Bournemouth et Chelsea avaient montré un Maitland-Niles sous un nouveau jour. Le latéral anglais s’intercalait souvent au milieu de terrain, faisant apparaître ce fameux schéma en 3-2-4-1. Là encore, ce déplacement sans ballon permet d’ouvrir une ligne de passe vers l’excentré droit – Nelson ou Pépé -, réputés fins dribbleurs, qui se retrouvent en situation de un contre un face au latéral adverse. Maitland-Niles endosse donc ce rôle cher à Pep Guardiola, celui d’« inverted fullback ». Lors de sa formation d’entraîneur au Pays de Galles, Arteta reprenait déjà l’idée de son mentor et la justifiait ainsi : « Je n’aime pas créer des lignes de passes entre les joueurs excentrés (et a fortiori le long de la touche). Pourquoi ? Parce que le joueur est enfermé et serré de près dans son dos et qu’il ne peut pas jouer vers l’avant. » On peut imaginer que ça sera l’un des principaux axes de progression dans les semaines à venir, le match contre Crystal Palace ayant illustré les carences de la doublette Maitland-Niles – Pépé dans ce domaine.

Défendre haut pour soulager la charnière

Mais c’était avant tout un chantier défensif qui attendait Mikel Arteta à son arrivée. Et s’il reste encore beaucoup à faire, les chiffres démontrent que les Gunners concèdent moins d’occasions depuis que l’Espagnol est sur le banc (4,08 xGA ou « expected goals against », ce qui fait d’Arsenal la cinquième meilleure équipe de PL sur cette période). En faisant le constat d’une défense aux abois, en manque de repères et émaillée par les blessures, Arteta part du principe qu’il faut récupérer le ballon le plus haut et le plus vite possible pour lui éviter de subir. Ainsi, il a tout de suite mis à contribution ses joueurs offensifs pour mettre en place un contre-pressing. Grâce à des joueurs comme Lacazette et Torreira, particulièrement performants dans ce domaine, ce parti-pris porte ses fruits. Ou presque… Là encore, le match face à Crystal Palace en est le triste exemple : intraitables pendant 20 minutes en privant les Eagles de la possession, les Gunners ont levé le pied après l’ouverture du score et le bloc est redescendu d’un cran, exposant la défense.

Lorsque Arsenal défend face à une attaque placée, la structure se mue en 4-1-4-1 pour couper au maximum les lignes de passes verticales et bien défendre sur la largeur. L’activité de Lacazette sur le front tend à perturber la première relance adverse. Et Torreira, souvent situé entre les deux lignes de quatre, rayonne comme jamais depuis son arrivée à Arsenal. Quand il a fallu de longs mois de tâtonnement à Emery pour trouver le véritable poste de l’Uruguayen (et celui de Ramsey, soit dit en passant…), Arteta a immédiatement identifié où et comment il serait le plus utile. Avec le ballon, Torreira excelle pour attirer l’adversaire sur lui et trouver l’homme libre, principe cher, là aussi, à Pep Guardiola. Sans le cuir, l’ancien de la Sampdoria est idéalement placé pour contrôler les adversaires entre les lignes grâce à ses capacités de jaillissement. Même en prenant en compte le match à Selhurst Park où il est sorti à la mi-temps, Torreira est le joueur qui récupère le plus de ballons de l’ère Arteta (30 en tout, suivi par Maitland-Niles avec 25 ballons récupérés). Et au-delà de la satisfaction sportive, l’arrivée du coach espagnol a semble-t-il passé l’envie de certains joueurs d’aller voir ailleurs. Il n’y a pas de hasard : c’est tout de suite plus simple de susciter l’adhésion lorsqu’un véritable projet de jeu se dessine.

#Antonin


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