Matt Turner, un tournant pour sa carrière ?

Le gardien américain de 28 ans finalise enfin son arrivée à Arsenal. Retour sur son parcours, qui aurait pu être bien différent.

L’arrivée dans le football de Matt Turner est tout d’abord fortuite. En effet, à 14 ans, Matt joue au football uniquement pour rester en forme, entre deux matchs de ses sports favoris de l’époque, le basketball et le baseball.

Plus tard, accepté à l’université de Fairfield dans le Connecticut, Turner décide de tenter sa chance, et d’envoyer un e-mail (comme une centaine de jeunes sportifs à chaque rentrée) au coach de l’équipe de football de l’université, Javier Decima. Il n’était qu’un parmi tant d’autres, mais Decima raconte ne pas regretter de l’avoir choisi :”Il me rappelait David De Gea. Toute proportion gardée, mais sa manière de s’imposer dans sa surface et dans les airs, ainsi que son physique, rappellent le gardien espagnol.”

Une fois dans l’équipe, Turner n’est que gardien remplaçant, derrière le gardien néo-zélandais Michael O’Keefe. Après sa première année, Turner s’attendait à prendre la place de titulaire, mais celle-ci revint finalement à Joe Martin, un jeune gardien anglais débarqué cette même année. Une nouvelle saison en tant que remplaçant se profilait donc.

Mais finalement, l’attente sera plus courte que prévue. Une blessure de Martin pousse Turner à rentrer en jeu à la mi-temps d’un match de championnat contre Iona. Le jeune américain se montre à l’aise, réussissant quelques parades et interceptions. Jusqu’à l’erreur fatidique, celle qui allait le hanter. Sur un long ballon qui s’écrase sur la barre, la balle part droit à la verticale. Un gardien expérimenté l’aurait boxée au-dessus de la barre à la retombée, mais le jeune Turner tente de la capter. Geste très difficile à réaliser, ce dernier se rate et la balle rentre dans son propre but (2’50 sur la vidéo ci-dessous)

Faire une telle erreur, à 20 ans et lors de sa première, cela laisse des traces. Les vidéos de sa cagade tournent dans tout le milieu, et tout cela est dur à supporter pour le jeune gardien. Tellement que le coach décide de l’écarter de l’équipe pour la suite de la saison, pour sa propre protection. C’est à ce moment-là que Turner a sérieusement envisagé de tout arrêter, pour la première fois.

Après plusieurs conversations avec ses proches, Turner décide de mettre les bouchées doubles et de s’accrocher à son rêve. Durant tout l’été, pendant les fameux springbreaks et autres festivités de l’été, Matt s’entraine. Il réalise assez vite que malgré l’entrainement, il lui faut du temps de jeu pour effacer les erreurs du passé de son esprit. Après plusieurs refus, il finit par devenir 3ᵉ gardien pour l’équipe des Jersey Express, en 4ᵉ division américaine (PDL). Pas idéal à première vue, mais un coup du sort fera que les deux autres gardiens de l’effectif se blesseront lors du même match de présaison, le propulsant titulaire. Une aubaine que le jeune américain ne se fera pas prier pour saisir, emmenant son équipe jusqu’en demi-finale de la compétition.

Après cette année de remise dans le bain, Turner retourne dans l’équipe de Fairfield, avec cette fois-ci des maux de têtes à donner à ses entraineurs. Decima raconte : ” Il s’est entrainé dur pendant l’été, et il s’est retrouvé au même niveau que Joe Martin. Lors du premier match de la saison, nous ne savions pas qui aligner. Nous avons choisi Turner.”

“On a gagné 1-0. Turner a obtenu un clean sheet bien mérité. Il finira la saison avec le meilleur taux de clean sheet et de tirs arrêtés de tout le pays.”

Malgré cette saison pleine, Turner ne sera pas retenu pour la draft de la MLS 2016 (système de distribution des jeunes talents entre les différentes équipes de MLS, ndlr). C’est là que Remi Roy rentre en scène. Alors coach des gardiens de la franchise des New England Revolution, ce dernier est en quête d’un gardien. Le nom de Turner lui est soufflé par un collègue recruteur, et après analyses de ses performances, Roy propose un essai à Turner. Il raconte : 

Il m’a impressionné dès les premiers jours. Il était une véritable éponge, il retenait tout. Il était capable de faire ces arrêts qu’on n’apprend pas à l’entrainement. Ceux qui changent le cours du match, ceux que tout le monde voit dedans, mais que le gardien réalise quand même. Nous lui avons fait signer un contrat une semaine après son arrivée, et il n’a pas cessé de nous donner raison. Il était très souvent le meilleur à l’entrainement, et il montrait qu’il avait un potentiel qui valait le coup d’être développé.

Ayant signé un contrat de trois ans, Turner passe ses deux premières années pro du côté des Richmond Kickers, en seconde division (USL) afin d’obtenir le si précieux temps de jeu qui lui est nécessaire. Il devient meilleur à chaque match, et à son retour aux New Englands, le coach, un certain Brad Friedel, décide de lui donner sa chance. Turner sera numéro 1 pendant une partie de la saison, avant qu’une mauvaise série de résultats ne le mette sur le banc. Une fois de plus, Turner va devoir se battre pour prouver sa valeur. Avec le départ de Friedel et l’arrivée de Bruce Arena, Turner devient titulaire indiscutable. Il est élu joueur de l’année par ses coéquipiers, et deuxième meilleur gardien du championnat en 2020. Il sera élu meilleur gardien du championnat en 2021.

Tout cela attire forcément les intérêts de différents clubs, et Arsenal se positionne dès novembre 2021. Avec le départ quasi acté de Bernd Leno à ce moment-là, la place de numéro 2 au club lui est promise. Une aubaine pour ce jeune américain, qui ne compte plus les samedis matin passés à se lever tôt pour voir les matchs du club anglais dans le bar de sa ville, avec d’autres supporters qui n’avaient alors aucune idée qu’il y jouerait un jour.

Bien que ce transfert soit un rêve pour le joueur américain, il représente également un risque. Turner est en concurrence avec Zack Steffen, le jeune numéro 2 de Manchester City, pour la place de titulaire en équipe nationale, et à quelques mois du mondial au Qatar, prendre un poste de numéro 2 peut paraitre risqué. Certains observateurs se questionnent aussi sur sa capacité à jouer au pied, si chère à Mikel Arteta. À cela, Javier Decima réponds : “Son éthique de travail et sa capacité d’apprentissage vont aider. Matt est le joueur le plus travailleur avec qui j’ai travaillé. Il a également un charisme important, qui lui permet d’être proche de ses coéquipiers et du staff.”

Remi Roy surenchérit : ” C’est un winner. Il a surmonté tellement de challenge dans sa vie sportive, tellement d’obstacle se sont dressés entre lui et son chemin. Il n’est pas du genre à apprécier ce qu’il a accompli, mais plutôt à réfléchir à la suite.

Turner arrive dans le nord de Londres comme numéro 2 d’un Aaron Ramsdale qui semble indéboulonnable au poste, et même considéré comme un des meilleurs du Royaume. Mais cette position n’est que trop bien connue de l’Américain, et il a fait sa spécialité de faire mentir les statistiques et les observations qui lui sont contraires. Nul doute que le retour de l’Europe et les coupes nationales permettront déjà aux observateurs européens de le connaitre. 

 

Article de football.london.com, traduit de l’anglais par Matthieu Rolland pour Arsenal French Club. Images IconSport.

 


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