Robert Pirès : “Zidane et Bergkamp… C’est impossible de les copier.”

Régulièrement, L’Équipe donne la parole à des anciens joueurs de Ligue 1 dans une rubrique intitulée “Paroles d’ex”. Avant de briller du côté d’Arsenal, Robert Pirès s’est fait connaître du côté de l’Olympique de Marseille, mais surtout au FC Metz. Dans cette interview “souvenirs”, il évoque évidemment sa période chez les Gunners. Extraits.

Quel est le joueur le plus fort avec lequel vous ayez joué ?

Zinédine Zidane en sélection et Dennis Bergkamp à Arsenal. J’ai été gâté ! Avec les deux, j’ai énormément progressé. Il suffit… pas de les copier, c’est impossible, mais d’observer, d’apprendre. De me dire que finalement le football c’est… pas facile, mais quand tu as le don, c’est simple. Quand je suis arrivé en 2000 (à Arsenal), Dennis m’a dit : “Le plus important, c’est le premier contrôle. Il te met dans de bonnes dispositions. Si tu le rates, tu vas être perturbé.” Il ne parlait pas beaucoup. Zizou non plus. Les deux, c’était la classe.

La plus grosse dispute dans un vestiaire ?

Un coup de gueule d’Arsène Wenger à Old Trafford quand on a pris 6-1 (25 février 2001) contre Manchester United. Je ne l’ai jamais vu énervé comme ça en six ans ni employer des mots que tu n’avais pas l’habitude d’entendre avec lui. C’était justifié. On était à 1-5 à la mi-temps… Il a failli tout casser. Il a dû avoir honte de nous. Surtout face à Alex Ferguson son grand rival !

“En 2000, tout le monde m’a dit que j’étais fou de ne pas être allé au Real”

Le joueur le plus drôle ?

À Highbury, Martin Keown nous mettait du Michael Jackson dans le vestiaire avant les matches, et il dansait le moonwalk. Ça nous faisait tous rire. Surtout moi qui arrivais de France où les avant matches sont hyper sérieux ! C’était sa manière de se déconnecter parce qu’il se mettait une pression de fou.

Le transfert qui a failli se faire ?

En 2000, j’avais la chance d’avoir le Real, la Juve, Arsenal… Un choix très dur. Tout le monde m’a dit que j’étais fou de ne pas être allé au Real. C’était très chaud pourtant. J’avais même fait la photo avec le maillot du Real pendant l’Euro en Belgique ! Pour le journal AS je crois. Et tout est allé très vite. Arsène Wenger m’a appelé et a bouleversé mes plans. Après la finale, il m’envoie un avion, je passe la visite et je signe. Arsenal avec lui, Titi (Henry), Pat (Vieira), c’est rassurant. C’est un club stable, surtout après ma saison délicate à l’OM et sachant qu’à Madrid ça peut exploser à tout moment. Pourtant, plus jeune, j’étais fan du Real et de Michel.

Robert Pirès, alors sous le maillot d’Aston Villa (2010-2011), retrouve Arsène Wenger lors d’un match de Premier League. Crédits : Icon Sport

L’entraîneur qui vous a le plus marqué ?

Arsène Wenger m’a fait entrer dans une autre dimension et m’a fait progresser. Quelle confiance de venir me chercher pour remplacer Marc Overmars ! Les six premiers mois, j’ai vraiment galéré, je ne mettais pas un pied devant l’autre, c’était trop dur, rugueux, athlétique, méchant. Mais lui a senti que je pouvais m’adapter. Sur le terrain avec lui, tu es libre. Je ne dis pas que je faisais ce que je voulais, chaque joueur a une mission, mais j’étais libre et je voulais m’amuser.

Le moment où vous vous êtes senti le plus bête ?

Le penalty manqué qu’on voulait tirer à deux avec Titi (Henry) contre Manchester City (1-0, le 22 octobre 2005, 71e minute). Titi est un grand fan de Cruyff qui l’avait réalisé et réussi (avec Jesper Olsen en 1982 pour l’Ajax). On en avait parlé la veille, j’avais dit oui. Mais entre l’entraînement et la compète ce n’est pas pareil. Alors quand il est venu vers moi pour me dire : “On le tente”, je n’étais pas chaud… Je n’étais pas prêt et c’est pour ça que je l’ai foiré ! (Il a voulu passer le ballon à Henry, jaillissant de la limite de la surface, mais le ballon n’ayant pas fait un tour sur lui-même, l’arbitre a sifflé un coup franc pour City). Un vrai moment de solitude ! Les jours d’après, les Anglais ne m’ont pas fait de cadeaux ! Un jour, Ronaldinho m’a dit : “Le football, c’est la fantaisie, que ça marche ou pas.” Là ça n’a pas fonctionné. Mais il faut faire plaisir au public.

Le défaite qui vous a fait le plus mal ?

La finale de la Ligue des champions avec Arsenal contre Barcelone (1-2 en 2006). Quand Arsène me sort (après l’expulsion du gardien Jens Lehmann à la 18e minute), j’y crois pas. Pour moi, il allait sortir Hleb ou mon pote Fabregas. Ce n’est pas de l’arrogance, mais je pouvais apporter offensivement et j’avais cette très bonne relation technique avec Titi Henry. Donc moi, tranquille, hyper confiant. Et Titi me dit : “Pedro, c’est toi qui sors ! – Il me dit que j’ai une gueule à m’appeler Pedro. – Hein ?”
Et je vois le 7 sur le panneau… C’est terrible ! Je passe devant le coach, on ne se regarde pas. Je vais m’asseoir, hyper énervé, j’attends que ça se calme. Et puis je me dis : “Ce que je veux, c’est qu’on gagne.” Deux jours après, je lui ai annoncé que je partais (Il s’engagera à Villarreal). En fait, ça a déclenché mon départ. Il ne s’y attendait pas. Il fallait aussi que je passe à autre chose, mais après la finale, il y a eu comme une rupture… C’était une très sale semaine : je ne suis pas dans la liste de mon ami (Raymond Domenech) pour le Mondial, je joue dix-huit minutes en finale et on la perd… j’ai connu mieux ! (Rires.)

Robert Pirès, après avoir été sorti par Arsène Wenger lors de la Finale de Ligue des Champions en 2006( Photo by Eric Renard / Onze / Icon Sport )

Propos issus de Paroles d’ex – Robert Pirès : « Et Thierry Henry me dit : “C’est toi qui sors” », paru dans L’Équipe.


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