Gabriel Martinelli : le creux de la vague.

Une âme en peine. Voici comment on pourrait résumer la saison 2023-2024 du jeune ailier brésilien. Loin de ses standards de l’exercice précédent, cette saison s’apparente pour lui à un vrai chemin de croix. Peu décisif et peu impactant, Martinelli a globalement déçu cette saison. Mais la faute à qui ? Ou à quoi ? 

Une saison 2022-2023 en boulet de canon 

Personne n’aurait pu imaginer une saison galère pour Martinelli. Il faut dire qu’à l’aube de ce nouvel exercice 2023-2024, tous les voyants étaient au vert pour le jeune ailier brésilien. Avec une saison 2022-2023 très aboutie, avec 15 buts et 5 passes décisives en 36 matchs de Premier League, Martinelli avait confirmé tout le potentiel qu’on avait déjà bien remarqué depuis son arrivée au club en 2019.

Quasiment titulaire indiscutable, il était un des leaders de cette ligne offensive. Martinelli à gauche, Saka à droite, la Premier League a tremblé. Ses chevauchés, sa puissance et son agressivité ont fait des étincelles sur l’aile gauche.

 

“Nous, les Brésiliens, sommes très excités par Martinelli et son avenir. C’est une chose d’avoir du talent à 18 ans, mais une autre d’avoir sa confiance à 18 ans. Il me rappelle Ronaldo, lors de sa première saison en Europe il avait marqué 30 buts” Ronaldinho à propos de Martinelli en 2020. 

 

Des prestations qui lui valent les compliments des plus grands sur l’ile Britannique, à commencer par Jurgen Klopp en novembre 2022 : “Martinelli, par ailleurs, tout le monde devrait se rappeler de ce nom. Joueur incroyable”. Le coach allemand n’en était pas à ses premiers compliments sur Martinelli. En novembre 2019 il avait également déclaré : ” C’est le talent du siècle, un attaquant incroyable”. Adoubé par tout un club et tout un championnat, Martinelli a éclaboussé et explosé cette saison 2022-2023. 

Des performances qui lui ont permis de décrocher une prolongation de contrat en février 2023. Un soulagement pour tout le monde, à commencer par le coach Arteta : “C’est une excellente nouvelle. Nous voulons façonner tous les talents et la jeunesse que nous avons dans cette équipe”. Le message était clair : Martinelli est un pilier de cette équipe. Un symbole du projet Arteta. Des qualités évidentes qui lui permettent de décrocher sa première sélection avec la Selecao en 2022.

Collectivement, Martinelli a trouvé sa place. Pur ailier gauche, qui repique dans l’axe sur son pied droit, il bénéficie d’une excellente connexion avec Granit Xhaka et Thomas Partey, les principaux pourvoyeurs de  ballons de cette équipe. Capable de se projeter très rapidement et de combiner dans les petits espaces, Martinelli est un dragster, et nous a gratifié de moments iconiques, comme le 18 février 2023 où il entérine la victoire des Gunners face à Aston Villa, à Birmingham, à la dernière minute en marquant dans un but vide.

Il n’a cependant pas pu empêcher la fin de saison cauchemardesque des Gunners, qui ont flanché au pire des moments. Entre inexpérience des moments clés et manque de maitrise collective, la déception de la fin de saison dernière a été immense. 

 

Victime collatérale

Le mercato d’été 2023 a cependant fait des dégâts. Xhaka est parti du côté de Leverkusen, Havertz est arrivé. Deux profils différents. Le milieu suisse est un distributeur de ballons, l’allemand est un profil offensif.

Positionné dans le milieu de terrain, l’ancien joueur de Chelsea n’est cependant pas un remplaçant direct à Xhaka. Il est la résultante d’un changement tactique opéré par Arteta, avec la volonté d’apporter plus de présence dans la surface de réparation adverse. Havertz se projette beaucoup, avec pour mission d’être le second attaquant en phase offensive. Le jour et la nuit par rapport à Xhaka.

Rice est également arrivé, avec pour objectif de concurrencer Partey. Concurrence de courte durée, puisque le milieu ghanéen sera blessé presque toute la saison. Et là encore, cette blessure change la dynamique de ce milieu de terrain. Rice brille par sa faculté à récupérer le ballon, mais il n’est pas un distributeur de ballons. 

Beaucoup de changements dans ce milieu, qui impactent la construction du jeu des Gunners. Et victime collatérale de ces changements : Martinelli. 

En effet, Partey blessé et Xhaka parti, le Brésilien touche beaucoup, beaucoup moins de ballons dans la zone de vérité. Seul Odegaard est capable d’orienter le jeu dans ce nouveau milieu de terrain, c’est donc tout naturellement que le jeu penche majoritairement à droite dans les phases de construction. La connexion Odegaard / Saka / White est bien établie et est garante de la créativité chez les Gunners, la source du danger. 

Sur le côté gauche, c’est plus compliqué. Les circuits de passes sont plus timides, les combinaisons plus rares. Martinelli est bien souvent isolé sans vraiment de solutions offensives. Touché trop peu souvent dans les 20 derniers mètres, le brésilien patine. Havertz n’a pas ce profil de distributeur de ballons, et seul Zinchenko est capable de lui envoyer les bons ballons dans la bonne zone. Malheureusement, le défenseur ukrainien traverse lui aussi une saison compliquée, entre blessures et méformes.

Privé de ballons, les premiers mois de cette saison 2023-2024 sont décevants pour le Brésilien : 2 buts et 2 passes décisives en championnat entre aout 2023 et décembre 2023. 

Une situation complexe, qui force Arteta a réagir début 2024 en changeant la dynamique du milieu de terrain. Havertz repasse en pointe de l’attaque, Rice monte d’un cran et Jorginho intègre le milieu. L’objectif est simple : reprendre la maitrise du milieu de terrain, et s’appuyer sur la qualité technique du milieu italien pour mieux orienter le jeu.

Et ça fonctionne. Le jeu est plus fluide, plus de maîtrise, plus compact. Une seule défaite en championnat entre le 1er janvier 2024 et le 21 avril 2024. 

Mais pour Martinelli, la situation ne s’arrange pas. Le jeu penche toujours à droite. Rice n’est pas Xhaka, Jorginho cherche en permanence Odegaard, comme tout le monde dans cette équipe. Martinelli perd même petit à petit sa place, au profit d’un Trossard qui sait beaucoup plus jouer dans le cœur du jeu et bouger entre les lignes. 

Martinelli est beaucoup moins trouvé entre les lignes et au cœur du jeu que la saison dernière (source : TFA)

 

Son cas commence à interpeller, comme lorsqu’il a démarré sur le banc le 14 avril dernier contre Aston Villa. Arteta a dû monter au créneau pour tenter d’éteindre le malaise qui enfle : “Pourquoi Trossard a démarré ? Parce que je suis le manager et je décide du 11 de départ”. Pas vraiment rassurant. 

 

Un Arsenal qui est craint. 

Arsenal a changé par rapport à la saison dernière, mais ses adversaires ont également évolué. Les Gunners étaient une surprise la saison dernière, personne n’imaginait voir les hommes d’Arteta se frotter à City pour la course au titre. Des équipes surprises de l’intensité offensive et de la rigueur tactique imprimée par Arsenal. Des équipes qui ont longtemps cherché la clé face à cette équipe.

Mais la Premier League a dû se rendre à l’évidence à l’aube de la saison 2023-2024 : donner de l’espace à cette équipe d’Arsenal c’est s’exposer à une cinglante punition. En conséquence, cette saison, les adversaires des Gunners sont bien plus prudents, beaucoup plus bas et compacts. Des blocs bas qui ont parfois mis en difficulté les coéquipiers d’Odegaard en début de saison.

Moins d’espaces, moins de courses, moins de possibilités pour combiner. Jorginho a su gommer cette “stérilité” du jeu des Gunners en début de saison, pour transformer cette équipe en bloc capable de trouer n’importe quel bloc bas. 

Mais là encore, ces blocs bas n’aident pas Martinelli cette saison. La saison dernière l’ailier brésilien brillait car il pouvait s’appuyer sur les deux grands piliers de son jeu : les espaces et la liberté offensive. Les espaces pour faire parler sa vitesse, la liberté offensive pour mettre à profit son instinct et son intensité. 

 

Martinelli est beaucoup moins présent dans la surface de réparation adverse (source : TFA)

 

Mais face au bloc bas, les espaces n’existent presque pas. La liberté offensive est compliquée à trouver. Les ballons qu’il touche sont plus souvent le long de la ligne de touche, loin de la zone de vérité, dans des petits espaces où combiner est plus dur et, avec le plus souvent, 2 ou 3 joueurs sur son dos.

Martinelli est loin du but adverse, et il doit user de sa qualité technique pour ne pas perdre le ballon mais sans pouvoir se projeter vers le but, la faute à une forêt de défenseurs adverses face à lui, sans avoir réellement de joueurs avec qui combiner. Là où la saison dernière il avait l’occasion d’être souvent décisif, cette saison, ces opportunités sont beaucoup plus rares. 

 

Martinelli est beaucoup plus verticale que la saison dernière dans sa faculté à faire progresser le ballon sur le terrain (source : TFA)

 

Martinelli doit alors se réinventer. Trouver la clé dans un jeu de possession prôné par Arsenal, jouer entre les lignes, travailler beaucoup plus sans le ballon, être beaucoup plus créatif dans les transitions offensives.

Et il y a des éléments pour rester positif et optimiste à propos du Brésilien. Il reste excellent quand il s’agit de faire avancer sur le terrain. Même face à une armée de défenseurs en bloc bas, faire progresser le ballon de 10 mètres, par ses courses, ne sera jamais un problème. Même isolé, même dans les petits espaces, il exploite la moindre faille du bloc adverse. 

On retrouve également un Martinelli beaucoup plus présent pour centrer et amener le ballon dans la zone de vérité. Il réalise par exemple environ 4,81 centres par match cette saison, avec une précision de 36,49%. Ce qui le place 3ème au classement des joueurs qui réalisent le plus de centres cette saison en Premier League, et 14ème en terme de précision. La saison dernière, c’était seulement 2,98 centres par match et 30% de précision (chiffres de Janvier 2024). 

 

Martinelli centre beaucoup plus que la saison dernière (source : TFA)

 

Il faut de la patience, donc. Martinelli reste un jeune joueur, qui doit travailler et trouver les clés pour faire évoluer son jeu. Oui, cette saison Martinelli est moins décisif, mais d’une certaine manière il est peut-être plus “créatif”, plus calme, plus patient et moins chaotique dans son jeu. Un joueur qui a pris en maturité, à l’image d’Arsenal. 

Le mercato d’été sera néanmoins crucial pour donner à Martinelli les armes nécessaires pour le retrouver dans la zone de vérité. A moins qu’Arteta compte sur Martinelli pour s’adapter à ce nouveau schéma ? Réponse dans les prochains mois.

6 buts et 4 passes décisives pour Martinelli cette saison en Premier League. Un bilan famélique par rapport à l’exercice précédent. Mais beaucoup de choses ont changé depuis la saison dernière, et Martinelli doit maintenant apprendre à jouer face à des blocs bas, et avec des coéquipiers différents. Se réinventer et trouver de nouvelles forces, comme Odegaard ou Saka l’ont fait avant lui. Une saison à oublier, mais une saison d’apprentissage pour l’ailier brésilien. Reculer pour mieux sauter ? Réponse dès la saison prochaine.

 

LouisAFC

 

 

 

 


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