Mikel Arteta : “Je me suis vu gagner la Premier League”

Dans une interview à Marca, l’entraineur d’Arsenal se confie sur la saison écoulée, son action depuis qu’il est à la tête de l’équipe et les perspectives pour les années à venir.

Cette saison a été épuisante, que faites-vous pendant vos vacances ?

Je me repose surtout pour me déconnecter du travail et me connecter à la famille. C’est le seul moment de l’année où je peux passer du temps avec eux, avec mes trois enfants, ma femme, mes parents, mes amis. Même si mes enfants sont fous de football et à la maison le ballon roule toujours.

Vous arrivez à vous déconnecter ?

Au début, c’est difficile. Tu arrives avec beaucoup de stress et il faut un certain temps pour faire baisser le rythme cardiaque. Le téléphone continue à sonner, c’est sûr car il se passe des choses en été. La première semaine j’ai un peu plus coupé, mais nous sommes déjà en plein milieu du mercato, il faut prendre des décisions.

“Nous donnons aux supporters une raison de rêver et d’être fiers”

Vous avez vu du football ?

J’ai regardé les matchs internationaux et j’ai profité du titre de la sélection espagnole, mais nous nous sommes aussi regardés nous-mêmes. Voir des matchs, des situations, voir les choses que nous devons conserver et celles que nous devons améliorer, y compris à mon niveau.

Comment avez-vous restauré l’esprit de victoire d’Arsenal au cours de ces trois saisons et demie ?

Cela a commencé il y a trois ans. J’étais l’adjoint de Pep à City, nous jouions contre Arsenal et je voyais que l’âme du club avait été perdue. On ne l’appréciait pas, on ne la sentait pas. Je savais que la possibilité d’être sur l’autre banc aller arriver dans peu de temps et je savais que ce club était si grand qu’il fallait connecter l’équipe avec les supporters. Cela a été difficile à faire et à défaire… et maintenant je me sens heureux. Nous avons une identité claire, nous sommes unis et nous sommes pleins d’énergie. C’est ce qu’il y a de mieux. De haut en bas, tout le monde pousse dans la même direction. Nous donnons aux supporters une raison de rêver et d’être fiers. Et maintenant, nous devons gagner davantage.

L’ère Wenger a été très longue, il y a eu des succès, mais aussi des échecs. Avez-vous identifié ce qui n’allait pas ?

Je le savais très bien. J’ai dessiné un arbre et ses racines et j’ai dit que c’était notre problème. Il fallait soigner tout cela, et le soigner avec des gens qui s’impliquent. Sans cela, il n’y aura pas de divertissement du public.

“Notre adversaire était la meilleure équipe du monde”

Revenons à la saison qui vient de s’écouler. Rivaliser avec City pour la Premier League était un exploit, ou l’exploit aurait-été de la gagner ?

L’exploit c’était de la gagner. C’est Arsenal et le niveau d’exigence est haut. Aujourd’hui, ça me fait encore mal au plus profond de moi de ne pas avoir remporté la Premier League après avoir passé 10 mois à la lutte avec City. Mais c’est le sport. Ceci dit, ce que nous avons réussi avec une équipe si jeune est tout à fait honorable. Je le sais aussi.

Qu’a-t-il manqué pour gagner ?

Beaucoup de choses. Les trois nuls de suite nous ont pénalisé et tous les retournements au cours des matchs que nous avons connus, aussi. Il y a eu trois ou quatre blessures de joueurs importants et à partir de ce moment, tout s’est compliqué. Quand l’équipe était au complet, nous avons été convaincants. Dès qu’il y a eu des problèmes, cela n’a plus suffi. Et puis notre adversaire était la meilleure équipe du monde, le meilleur effectif du monde, le meilleur entraîneur du monde…. Nous n’avions pas d’autre choix que de l’accepter et de serrer la main du champion.

Pour vous, il n’y a pas de doute : Pep est le meilleur ?

Sans aucun doute. Le meilleur dans tout. La gestion, obtenir l’adhésion de tous, tirer le meilleur d’eux-mêmes, prendre des décisions avant et pendant le match, s’assurer que le message n’est pas périmé… Pep est un génie.

Vous croyez que cette équipe de City est la plus belle œuvre de Guardiola ?

On ne peut pas comparer. Chaque équipe a été brillante et cette équipe de City est incroyable parce qu’elle est belle à regarder, c’est une équipe différente et elle a été adaptée aux joueurs, qui sont les protagonistes en fin de compte. Et elle gagne aussi des titres, bien sûr.

Je me rappelle qu’à la fin du dernier match contre City, vous ne vous êtes pas salué très chaleureusement avec Guardiola. Vous avez toujours une bonne relation ?

Très bonne. Il y a trois jours, j’ai parlé avec Pep. Mais nous avons tous les deux l’esprit de compétition et quand on est dans l’arène, nous sommes très concentrés. Mais nous sommes suffisamment confiants pour que cela se produise et pour que, le lendemain, nous nous téléphonions et nous nous tombions dans les bras. Cela ne disparaîtra jamais.

Je vous connais depuis plus de 20 ans et vous n’êtes pas comme ça : vous ne souriez presque jamais sur le banc de touche ! Y a-t-il de la tension entre vous ?

Je suis concentré et impliqué dans le jeu, je suis conscient de ce qui doit se passer sur le terrain. Peut-être qu’en vieillissant, je me détendrais davantage [rires].

En Premier League, chaque match est une bataille. Vous vous voyez entrainer 20 ans de plus ?

Je ne sais pas ce qu’il se passera, je profite de mon quotidien d’entraineur. J’aime mes joueurs et l’environnement que nous avons créé au club. Je me lève très tôt tous les jours et je sens dans l’estomac l’envie d’aller travailler. Nous avons fait un super groupe et nous connaissons la direction pour arriver à nos fins.

Vous vous êtes vu gagner la Premier League ?

À de nombreux moments. L’équipe me donnait des arguments et nous avions cette connexion avec le public. Les gens y croyaient. Mais lorsque nous avons commencé à avoir des blessés, j’ai senti que cela allait nous coûter cher. Le niveau d’exigence ne pouvait pas être maintenu. Si vous voulez gagner la Premier League contre City, vous devez arriver en avril-mai avec tous les joueurs disponibles et à leur meilleur niveau. Et à cause des blessures, nous n’y sommes pas parvenus.

Vous aviez une équipe jeune et inexpérimentée.

Nous avions un bon mélange d’expérience et de jeunesse. Les plus expérimentés étaient des modèles pour les plus jeunes. Et puis, nous avons eu la chance de prendre une génération de l’Académie avec beaucoup de potentiel, et nous avons pu développer leur talent pour que l’équipe ait une harmonie. Ils s’amusent, ils sont compétitifs et c’est ce qui nous mènera à la victoire.

Votre “bijou” c’est Saka. S’il était sur le marché, coûterait-il plus de 100 millions ?

Je n’en ai aucune idée. Il y a des petites machines dans lesquelles vous entrez toutes les données et les variables… et elles vous donnent le prix. Saka est très bon et très régulier. Ses performances et ses statistiques à l’âge de 21 ans sont incroyables. Il a très faim, il veut s’améliorer et il dispose d’un environnement idéal pour le faire. Si je devais choisir une chose, ce serait sa capacité à gagner des matchs, ce qui n’est pas le cas de beaucoup d’autres. Il en va de même pour Martinelli, Gabriel [Jesus] ou Odegaard.

Comment avez-vous fait d’Odegaard une star ?

Je crois que c’est son mérite. Son niveau d’exigence vis-à-vis de lui-même est très fort, il comprend tout très bien et il apprend rapidement. Nous l’aidons en lui donnant des responsabilités et de la confiance en lui confiant le brassard. Je lui ai expliqué : “avec cela tu auras plus de responsabilités et ta capacité à transmettre sera la clé, sois toi-même”. Martin est très réservé, mais quand il parle, on l’écoute. Il fait tout ce qu’il faut : il prend soin de lui, il s’occupe des autres et les rend meilleurs ; il a de l’éducation, de l’amour pour le jeu, de l’engagement…. Et il croit qu’il doit jouer plus près de la surface : jouer moins et aller plus loin. Ses statistiques sont très bonnes : c’est le milieu qui a marqué le plus de buts dans l’histoire de la Premier League, avec Lampard à son âge. À 24 ans, il peut encore s’améliorer.

Declan Rice est-il si bon qu’Arsenal envisage de l’acheter pour plus de 100 millions d’euros ?

Je ne peux pas parler de joueurs qui ne sont pas au club. Je préfère ne rien dire.

“Jesus comme Zinchenko m’ont convaincu, que ce soit sur le plan humain, la mentalité ou le talent qu’ils ont”

Donc on ne peut pas parler non plus de la signature d’Havertz…

Le talent a un prix et à Arsenal, nous sommes toujours intéressés par les jeunes qui ont de l’expérience. Je me répète, je ne parle pas de joueurs d’autres clubs, mais dans le cas de Kai, il a montré beaucoup et remporté une Ligue des Champions. C’est un joueur talentueux et polyvalent de seulement 24 ans.

Arsenal signe beaucoup de joueurs de Manchester City. Pourquoi ?

C’est facile, parce qu’ils sont très bons, je les connais et les ai entrainés pendant quatre ans. Gabriel Jesus comme Zinchenko m’ont convaincu, que ce soit sur le plan humain, la mentalité ou le talent qu’ils ont.

Cet été, vous allez avoir de l’argent pour investir. C’est la clé.

Nous avons déjà procédé au renouvellement de l’équipe, avec une moyenne d’âge très jeune qui générera des performances et de la valeur. Nous avons des propriétaires qui sont sur la même longueur d’onde que nous : construire une équipe pour gagner, qui peut être maintenue dans le temps, sans trop d’investissements. Mais les exigences augmentent et nous devons aller sur le marché pour trouver ce que nous n’avons pas pour continuer à nous améliorer.

“La saison prochaine sera la plus difficile de l’histoire de la Premier League”

On croit que City est l’équipe qui investit le plus année après année. Mais ce n’est pas vrai. En fait, même Arsenal a été numéro un en termes de dépenses certaines saisons… Qu’est-ce que cela vous évoque ?

Tout dépend de ce qui est évalué : la valeur nette ou l’investissement sur un an, trois ans ou dix ans ? L’investissement est un point et la réévaluation est peut-être plus importante : combien vaut un joueur que vous achetez dans “tant” d’années. Il y a l’investissement avec le rendement et la réévaluation. C’est notre stratégie pour durer.

Cela vous parait possible de gagner la Premier League 2023-2024 ?

Si cela ne l’était pas, je ne serais pas assis ici. C’est notre ambition. Nous connaissons les difficultés : c’est le meilleur championnat du monde et la saison prochaine sera la plus difficile de l’histoire de la Premier League. Pourquoi ? C’était déjà le cas l’année dernière. Je suis ici depuis 22 ans et je n’ai jamais vu un tel niveau de compétition. Il y a tant de qualité, tant d’organisation, tant de ressources, tant de bons entraîneurs… et maintenant Pochettino et Iraola arrivent. Pour gagner la Premier League, il faut être le meilleur. C’est pourquoi il faut se renforcer.

Pour gagner la Premier League, faut-il bien jouer ou ce débat n’existe-t-il pas en Angleterre ?

Non, il n’y a pas de débat ici. Je veux jouer de la meilleure façon possible avec l’idée que nous avons. Certains jours, ce sera comme ci, d’autres comme ça, mais l’opposition doit être maîtrisée. La Premier League vous pénalise dès que vous commettez une erreur. Pour bien jouer ici, il ne faut pas en faire beaucoup. Il y a mille autres choses à maîtriser. La possession ne suffit pas.

Êtes-vous toujours surpris que le stade chante votre nom ?

Nous aimons tous être félicités et nous identifier à ce que nous faisons. Par-dessus tout, je veux que les supporters des Gunners s’amusent et jouent tous les ballons avec nous, qu’ils aient l’impression de participer à l’objectif de la victoire.

Vous a-t-on proposé le PSG cet été ?

Je peux seulement dire que je suis heureux à Arsenal. Je me sens aimé, je me sens apprécié par nos propriétaires, Stan et Josh [les Kroenke], et j’ai beaucoup à faire dans ce club. Je suis heureux et extrêmement reconnaissant d’être à Arsenal.

Est-ce une coïncidence si quatre entraîneurs basques (tous originaires de Guipuzcoa) seront présents en Premier League la saison prochaine ? Julen Lopetegui (Wolves), Unay Emery (Villa), Andoni Iraola (Bournemouth) et vous.

Je ne pense pas que ce soit une coïncidence. Nous devons avoir des points communs. Je ne sais pas si c’est parce que le caractère basque s’accorde bien avec l’anglais, le style, la façon d’être, notre sérieux ?

Vous vous entendez bien avec eux ?

Oui, j’ai même été coéquipier d’Iraola à Antiguoko, lorsque nous avions 13 ou 14 ans. Il était meneur de jeu et moi ailier droit. Je savais déjà qu’Andoni voulait partir à l’étranger et je ne suis pas surpris qu’il vienne en Premier League. Je suis heureux pour lui. Il y a 25 ans, nous étions coéquipiers et maintenant… en Premier League.

Comment avez-vous vu la dernière Liga [espagnole], avez-vous le temps de regarder les matches ?

Bien sûr, surtout ceux du soir, qui sont mieux pour moi. D’ailleurs, mes enfants les regardent beaucoup. Il y a toujours du football à la télévision.

Vous aimez Xavi Hernández ?

Je le connais depuis que nous avons joué ensemble au Barça. Connaissant son caractère et sa façon de voir le jeu, j’ai compris que le Barça avait besoin d’une figure comme la sienne. Il a su résister à la pression et est resté fidèle à ses idées, défendant toujours le club et les joueurs. L’équipe a été très fiable tout au long de l’année.

Seriez-vous l’entraîneur de Barcelone ou du Real Madrid… si un jour vous n’étiez plus à Arsenal ?

L’Espagne est mon pays. J’ai été absent pendant de nombreuses années et, à un moment donné, je pourrais revenir en Liga et vivre d’autres expériences. Mais pour l’instant…

Une dernière question : pensez-vous pouvoir reconnaître aujourd’hui que vous êtes un meilleur entraîneur que le joueur que vous avez été ?

C’est difficile. Cela ne fait que quatre ans que je fais ce métier et mon objectif est d’être le meilleur au monde, mais pas à un niveau personnel absolu, mais d’être le meilleur manager au monde pour Arsenal, d’aider ces joueurs et ce club à être les meilleurs. Jouer mieux que n’importe qui d’autre… et être capable de gagner.

Interview réalisée pour Marca par Juan Castro

Traduction : Guillaume #AFC

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Guillaume Tetard

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