Robin van Persie : bon partout, légende nulle part

Il y a 10 ans jour pour jour, Robin van Persie devenait un joueur de Manchester United. Un véritable crève-cœur pour les fans des Gunners, qui voyaient ainsi leur meilleur joueur et capitaine passer chez le rival, à sa demande expresse. Une décision qui permettra certes à l’attaquant néerlandais d’enfin décrocher un titre de champion d’Angleterre, mais qui le privera du statut de légende auquel il aurait pu prétendre.

Je serai toujours un Gunner […] Arsenal est un club incroyable ! Si je suis le joueur que je suis aujourd’hui, c’est grâce à Arsenal .” C’est par ces mots, entre autres, que Robin van Persie avait célébré le titre de « Footballer of the year » que lui avait octroyé la Football Writers’ Association le 24 avril 2012. Une récompense qui venait couronner un exercice 2011-2012 exceptionnel pour le Hollandais (37 buts, dont 30 en Premier League), son plus prolifique sous les couleurs d’une équipe d’Arsenal dont il était alors le meilleur joueur, le capitaine et l’idole absolue.

Moins de 4 mois plus tard, il rejoignait Manchester United.

Un parcours semé d’embûches

Prometteur à ses débuts avec le Feyenoord, le jeune Van Persie trimballe cependant une étiquette de joueur égotique et caractériel. Pas de quoi effrayer Arsène Wenger, très emballé par le virevoltant ailier, qu’il entend bien replacer dans l’axe. Dès mai 2004, c’est acté ! Le Hollandais de 21 ans portera la vareuse londonienne à partir de la saison suivante.


Même s’il est cantonné au banc pour sa première année, le potentiel est flagrant. Élégant, raffiné techniquement et doté d’un pied gauche chirurgical, Van Persie suscite les espoirs les plus fous. Pourquoi pas, sur le long terme, en faire un successeur de la légende Bergkamp…

Malheureusement pour lui, les blessures se multiplient et l’empêchent de déployer tout son potentiel. De 2004 à 2011, pas une saison ne s’écoule sans que le Batave ne soit victime de pépins physiques. Et alors qu’il est sensé incarner le nouveau visage du club après le départ de l’icône Thierry Henry en 2007, les blessures graves se succèdent, le tenant parfois éloigné des terrains plusieurs mois. Saison 2007/2008 ? 57 jours d’indisponibilité. Saison 2009/2010 ? 154 jours d’indisponibilité, soit 33 matchs manqués, plus de la moitié de la saison. 2010/2011 ? 77 jours sans pouvoir jouer.

Mais il revient, systématiquement, bénéficiant du soutien inconditionnel d’Arsène Wenger qui croit en lui et compte bien en faire la pierre angulaire de son attaque.

De la trempe des plus grands

Car en dépit de ses difficultés à enchaîner les matchs, lorsqu’il y prend part, l’attaquant néerlandais est un crack. En 2008/2009, et malgré 7 matchs manqués, il finit meilleur passeur de Premier League. En 2010/2011, arborant désormais le légendaire numéro 10 de son illustre compatriote Dennis Bergkamp, il se paie le luxe de planter 18 pions en championnat malgré les blessures, seulement deux longueurs derrière Tévez et Berbatov, les meilleurs buteurs de la saison.

Sa saison 2011-2012, sa première sans blessure, est un chef d’œuvre : 37 pions toutes compétitions confondues dont 30 en PL, des performances stratosphériques comme son triplé face à Chlesea à Stamford Bridge (10e journée, victoire 5-3) et des buts d’anthologie à l’image sa volée face à Everton, le tout brassard au biceps. Il est nommé joueur de l’année par la Professional Footballers’ Association Players’ et par la Football Writers’ Association. Enfin, après toutes ces années de frustration et d’attente, le joueur évolue à son meilleur niveau. Arsenal et Arsène Wenger récoltent finalement les fruits de la confiance placée en lui et du soutien inconditionnel qu’ils lui ont apportés. RvP est le visage des Gunners, leur fer de lance, celui qui doit les ramener au sommet. Sauf que le principal intéressé ne l’entend pas de cette oreille.

Le potentiel pour devenir un grand de l’histoire des Gunners

Sans doute conscient de l’incertitude entourant sa condition physique, Van Persie veut profiter d’être au top pour garnir son palmarès. Or, depuis la fin de l’ère Thierry Henry, les trophées se font rares du côté d’Arsenal. Les Gunners sont jugés plus distrayants qu’efficaces, leur magnifique football ne débouchant sur aucun titre.

Pour le club et les supporters, Van Persie incarne la chance d’enfin renouer avec les sommets. Joueur de classe mondiale adulé des fans et respecté de ses coéquipiers, le Batave a tout pour devenir une légende locale. Un titre majeur remporté sous son leadership ferait de lui un grand de l’histoire du club.

Ce n’est pas la voie qu’il choisit. S’estimant mal entouré, il prend la décision de ne pas renouveler son contrat, arrivé à un an de son échéance en juillet 2012.

Si Arsenal souhaite à tout prix éviter de renforcer la concurrence, il n’y a guère que Manchester United pour soumettre une offre sérieuse qui permettrait au club d’y trouver son compte. À cette époque, l’Emirates Stadium est encore loin d’être remboursé, et chaque transfert implique une réflexion sportive ET financière.
Le 17 août 2012, c’est officiel : Van Persie est un Red Devil. Pour les fans, cette désillusion équivaut à hisser le drapeau blanc et à renoncer à être compétitif à court terme.

Légende de United, vraiment ?

La saison 2012-2013 du Hollandais est magnifique. Certes moins aboutie individuellement que sa dernière année avec Arsenal (26 buts en PL en 2012-2013), mais elle est couronnée par ce que l’attaquant est venu chercher : le trophée de champion d’Angleterre.

Un titre de champion hautement symbolique pour les Mancuniens. C’est le 20e de l’histoire du club, et surtout, c’est le dernier de Sir Alex Ferguson, qui prend ainsi sa retraite sur un ultime coup d’éclat. Il est indéniable que Van Persie fut LA star de la saison. Suffisant pour en faire une légende du club, comme aime à le clamer certains supporters taquins ?

Robin van Persie – 10.11.2013 – Manchester United / Arsenal – 11e journee Premier League


Rien n’est moins sûr : la suite de son aventure à Manchester est moins idyllique. Son niveau décline et après deux saisons consécutives sans problème physique, les blessures refont surface.

Il est transféré dès 2015 à Fenerbahçe. Reste alors aux Red Devils le souvenir de cette saison 2012-2013 historique de la part du Hollandais. Mais en définitive, que pèse un titre de champion, aussi symbolique soit-il, pour un club qui en compte 20 ? Comment prétendre être une légende de United en y comptabilisant une unique saison valable alors qu’on l’a réalisée entouré de joueurs comme Ferdinand, Vidic, Giggs, Scholes ou Rooney, qui ont tout vu et tout fait au cours de leurs longues années passées du côté de Manchester ?

La vérité est que Robin van Persie a passé l’essentiel de sa carrière à Arsenal, et y a joué son meilleur football. Et si le fait qu’il ait été arraché à la dépouille d’un club rival en délicatesse depuis plusieurs années lui confère sans aucun doute un supplément d’intérêt aux yeux des supporters mancuniens, il n’est pas, pour Manchester, le géant qu’il aurait pu devenir pour Arsenal.

Il aura été bon partout, mais n’est resté une légende nulle part.


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