Départ d’Edu : quelles conséquences ?

Après les premières rumeurs étalées ce lundi matin dans la presse anglaise, le club n’aura pas mis longtemps à réagir. Le soir-même, Arsenal annonçait dans un communiqué qu’Edu avait démissionné de son poste de directeur sportif après cinq années passées au club. Une décision brutale et inattendue tant son duo avec Arteta était prédestiné à durer sur le long terme. Alors concrètement, qu’est-ce que ça veut dire pour Arsenal ?

C’est après une carrière de footballeur bien remplie (et surtout deux titres de PL avec Arsenal) qu’Edu décide en 2011 de passer « de l’autre côté » en empruntant la voie de dirigeant. Il fait ses premières armes au Brésil, son pays natal, en devenant directeur des Corinthians, puis coordinateur général au sein de la confédération brésilienne de football en 2016. 

Edu rejoint par la suite le board d’Arsenal en tant que directeur technique et est promu en 2022 au poste de directeur sportif. Un rôle très important au sein de l’organigramme des Gunners qui va lui permettre de travailler en étroite collaboration avec Arteta sur la politique sportive du club. Son charme, son sourire, son amour du club et sa fermeté dans les négociations ont fait de lui l’un des piliers du renouveau d’Arsenal. 

Amy Lawrence, la correspondante emblématique d’Arsenal, ne tarit pas d’éloges sur son charisme et son aura eu sein du club : « Edu est un bavard. Un souriant. Une caisse de résonance. Un charmeur. Les « soft skills » peuvent ne pas sembler être la caractéristique prioritaire pour un rôle aussi pointu que celui d’un directeur sportif dans le football. Mais pour Edu, elles ont toujours été à la base de son approche lorsqu’il s’est penché sur la manière dont les équipes sont dirigées et construites, depuis la fin de sa carrière de joueur.

C’était une période difficile, tant sur le terrain qu’en dehors, et Edu est arrivé avec son sourire ravageur et s’est donné pour mission de donner au club un visage plus accueillant et plus orienté vers le football, pour tous ceux qui avaient besoin d’un point de contact. Le fait d’être un ancien joueur de l’époque des Invincibles confère un statut automatique.

Edu était un connecteur, qui réunissait de nombreuses facettes du club. Il pouvait utiliser son charisme pour diriger dans toutes les directions. Il était tout aussi sympathique et crédible lorsqu’il s’adressait aux propriétaires et aux directeurs, à l’équipe d’entraîneurs et aux responsables opérationnels, aux joueurs en interne, aux autres clubs et aux agents en externe, et aux supporters en public. Il pouvait parler efficacement de nombreuses langues du football. »

L’arrivée de Edu en tant que directeur technique en 2019

Le rôle d’Edu à Arsenal est d’avoir une vision à moyen-long terme pour le club. Il doit choisir le staff technique (entraineurs, préparateurs, analystes), faire le lien entre le board et les équipes sportives, mais également prendre des décisions importantes dans la gestion de l’académie ou de l’équipe féminine. Une tâche loin d’être évidente et qui nécessite donc un véritable profil fédérateur et une vision à long terme pour occuper ce poste. On dépasse ici le rôle classique de « recruteur en chef » qui doit simplement s’occuper de trouver le profil de joueur idéal à chaque mercato. 

Edu travaille en étroite collaboration avec Mikel Arteta et les deux hommes décident de la politique et de la vision sportive du club. Comment intégrer les jeunes de l’académie au sein de l’équipe première, le profil des joueurs, la moyenne d’âge, la gestion et le développement de l’équipe féminine, la qualité des infrastructures et le développement du centre d’entrainement… rien n’est laissé au hasard. 

Edu et Arteta avaient pris pour habitude de regarder les matchs des jeunes d’Hale End ensemble.

À son arrivée en 2019, Edu arrive dans une politique sportive à la dérive avec des joueurs âgés aux salaires très élevés qui plombent le club. Son constat est sans appel : « Quand un joueur a plus de 26 ans, avec un gros salaire et qu’il n’est pas performant, ça vous tue. Le joueur est à l’aise – Arsenal, Londres, c’est beau, tout est fantastique – et avec un bon salaire. Comment pouvez-vous vendre ce joueur ? Alors, combien de joueurs avec ce genre de caractéristiques avions-nous dans le passé ? 80 % de l’équipe. Nous avons besoin d’une stratégie, nous devons essayer de changer les choses. »

Un changement nécessaire, mais qui va prendre du temps et qui va se faire non sans difficultés. Choix épineux et décisions importantes vont faire partie du quotidien d’Edu. Licenciement d’Unai Emery, arrivée de Mikel Arteta, gestion du cas Aubameyang, recrutement de recrues déterminantes et charnières du projet telles qu’Ødegaard, White, Zinchenko, Jesus, Rice… En cinq ans, les décisions d’Edu et du staff ont complètement modifié le paysage du nord de Londres.

Changement de mentalité, recrutement de leaders et de joueurs à très fort potentiel, Edu et Arteta construisent au fur et à mesure le nouvel édifice qui va remettre Arsenal dans le droit chemin. Avec un retour en Ligue des Champions après des années d’absence et deux places de dauphins consécutives derrière l’ogre Citizen, on peut conclure que le travail des deux hommes a porté ses fruits.

C’est avec stupéfaction que tout le monde a donc appris la démission du directeur sportif ce lundi. Edu se dirige vers de nouveaux horizons et quitte Arsenal pour travailler avec le groupe d’équipes contrôlées par le propriétaire de Nottingham Forest, Evangelos Marinakis. Un nouveau rôle qui lui permettrait de toucher un salaire trois fois supérieur à celui qu’il avait à Arsenal et d’avoir un rôle encore plus important que celui de directeur sportif puisqu’il sera à la tête de la politique sportive de tous les clubs gérés par le puissant homme d’affaires grec.

Une décision compréhensible vu le challenge que représente une telle opportunité pour un directeur sportif. Une simple évolution de carrière qui ferait taire (pour l’instant) les rumeurs comme quoi les responsabilités d’Edu devenaient de plus en plus limitées au sein du club depuis le départ de Vinai Venkatesham au poste de CEO et la nomination de Richard Garlick pour le succéder, ou encore du pouvoir de Mikel Arteta qui ne cesserait de grandir en coulisses.

Un été avec des choix controversés en matière de recrutement alimenterait également ce malaise. Quid du recrutement de Merino et de Sterling qui s’éloigne de la politique de recrutement d’Edu ? Comment expliquer les ventes de Smith-Rowe/Nketiah et le prêt de Fabio Vieira alors qu’aucun joueur à vocation offensive n’a été recruté cet été ? Autant de décisions et de chamboulements étranges qui ont eu lieu au cours des dernières semaines et laissent beaucoup de questions en suspens.

Il n’y avait en tout cas aucune animosité d’Arteta envers Edu lorsqu’on lui a posé la question en conférence de presse hier : « Tout s’est passé très vite. J’ai adoré travailler avec lui, j’ai vraiment apprécié d’être à ses côtés dans cette incroyable aventure. Je lui suis très reconnaissant pour tout ce qu’il a fait pour moi et pour le club.

Je pense que nous avions tous les deux une alchimie particulière en travaillant ensemble. Je suis très heureux qu’il ait fait partie de ma vie à la tête de ce club.Il a maintenant l’opportunité de faire quelque chose d’autre, dans un rôle différent. Il pense que c’est ce qu’il y a de mieux pour lui. Nous devons respecter cela. Du fond de mon cœur, je lui souhaite le meilleur. »

Au-delà de cette démission qui au final peut se comprendre (c’est le propre de toute entreprise), c’est surtout le timing qui pose question. Alors que les hommes de Mikel Arteta enchainent les blessures, pourquoi partir au mois de novembre à l’approche d’un mercato hivernal qui pourrait s’avérer décisif dans la saison d’Arsenal ? Pourquoi un départ si soudain sans passation de pouvoir ?

Pour toutes les raisons que nous avons évoquées dans cet article, le poste d’Edu est très loin d’être un rôle qui doit être pris à la légère. Avec le départ d’Edu, c’est une partie de la vision d’Arsenal sur ces cinq dernières qui s’en va aussi. Même si Arteta a une immense place dans la décision des profils des joueurs, le nouveau directeur sportif va devoir partager sa vision, mais également faire preuve d’une force de négociation aussi poussée que celle d’Edu. 

James McNicholas, correspondant d’Arsenal pour The Athletic: « Edu a joué un rôle essentiel dans le redressement d’Arsenal. Il a reconstruit le service de recrutement, jouant un rôle essentiel dans l’identification des talents et les négociations. Le départ d’Edu laisse un vide important à Arsenal, mais il faut espérer que le travail qu’il a accompli pour reconstruire le département du recrutement laissera un héritage et donc une certaine continuité. »

À l’heure d’aujourd’hui, aucun nom n’a été mentionné pour le remplacer. Difficile de ne pas penser d’abord à Txiki Begiristain, le directeur technique de Manchester City et proche de Guardiola qui quittera ses fonctions à la fin de la saison. Mais cela amènerait Arsenal à vivre sans directeur sportif pour plusieurs mois. Impensable. 

Rapatrier l’ancien de la maison Tomas Rosicky, actuellement directeur sportif du Sparta Prague, nous semble aussi une idée bien sympathique. Encore faudrait-il que ce dernier veuille quitter son pays natal pour revenir en Angleterre et se coller à la vision de coach Mikel. Pas évident.

Bref, cette démission nous laisse dans le flou pour la suite des opérations et surtout pour le prochain mercato. Le départ d’Edu laisse présager que Mikel aura désormais les pleins pouvoirs sur le côté sportif et que le prochain directeur sportif devra aller dans le sens d’Arteta, et non l’inverse. C’est au board à présent de trouver le meilleur candidat qui saura négocier les contrats des futurs joueurs qui nous permettront d’enfin décrocher le titre de Premier League. On a hâte de voir la suite des évènements.

@Corentin

Pour en savoir plus sur la carrière d’Edu en tant que joueur et directeur, nous vous conseillons le très bon podcast d’Artilleurs avec notre rédacteur Jonathan qui n’hésitent pas à rentrer en détail sur son rôle au sein du club. Un podcast divisé en deux parties à écouter sur les plateformes audio ! 


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